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TRIFON, Nicolas
Né le 29 mai 1949 à Bucarest - mort le 18 août 2023 - Enseignant ; Correcteur ; sociolinguiuste – OCA – CGT - – Bucarest – Paris
Article mis en ligne le 2 juin 2018
dernière modification le 22 février 2024

par Guillaume Davranche, R.D.
Nicolas Trifon (photo Courrier des Balkans)

Jeune enseignant en Roumanie, Nicolas Trifon, fils d’un père économiste et d’une mère médecin-pédiatre, commença à adhérer aux idées subversives – aux yeux des autorités des pays dits du « socialisme réel » – dans la foulée des événements qui secouèrent le monde en 1968-1969 (printemps de Prague, Mai 68 en France…). Quelques années plus tard, il était arrêté lors d’une razzia de mauvais éléments que la presse officielle qualifiait alors de « sociaux-hippies » se distinguant par une fâcheuse tendance à porter les cheveux longs et des vêtements non conventionnels.

Décidé à fuir le régime stalinien, Nicolas Trifon parvint, après bien des vicissitudes, à s’installer en 1977 en France, grâce notamment au fait que son épouse était française.

Peu après son arrivée, il entra en contact avec des exilés espagnols issus de la mouvance des GARI et adhéra à la Coordination anarchiste, qui était alors en train de se transformer en Organisation combat anarchiste (OCA). Il donna également un article à la revue Interrogations, dont le rédacteur était Louis Mercier, au n°10.

Avec Marco Candore et Alain Crosnier, Nicolas Trifon participa ensuite aux négociations de fusion entre l’OCA et l’UTCL, qui durèrent de mars à novembre 1979. Cependant, il choisit de ne pas rejoindre l’organisation unifiée, la jugeant « trop ouvriériste » et insuffisamment critique sur la personnalité de Georges Fontenis.

Cette année-là, il participa à la fondation de la rédaction francophone d’Iztok (Paris, 20 numéros, automne 1979-juin 1991), revue jusque-là publiée en bulgare et animée depuis 1975 par Thodor Mitev et Nikola Tengerkov.
Le premier numéro en français d’Iztok, « revue libertaire sur les pays de l’Est », parut en septembre 1979. Parmi ses principaux animateurs on comptait Vincent Albouy, Frank Mintz, Joël Bastenaire, Jean-Louis Laville, Joël et Régis Gayraud, Daniel Mihailovic et Angel Pino, appartenant aux divers courants de l’anarchisme. L’équipe traduisait en français des textes polonais, hongrois, russes, bulgares, slovènes ou roumains, donnant à lire des entretiens avec des anarchistes de l’Est, des samizdats, des compte rendus de mouvements sociaux…

À partir de 1980, des événements de Gdansk et de l’émergence de Solidarność, Iztok devint une source d’information inestimable pour les révolutionnaires ouest-européens, et ses articles furent souvent retraduits en italien, en allemand, en anglais ou en espagnol. En 1983, la revue La Rue publia publia un texte de Nicolas Trifon, et en 1984 un autre parut dans un recueil de l’Atelier de création libertaire, à Lyon.
En décembre 1989, lors de la chute du régime, il avait participé à un convoi humanitaire en Roumanie.

Le groupe éditeur d’Iztok tenta de diffuser la pensée anarchiste à l’Est, par le biais de brochures rédigées en polonais, en hongrois, en bulgare et en roumain, mais les faire parvenir et circuler de l’autre côté du rideau de fer s’avéra ardu.

Après la chute du Mur de Berlin, le mouvement libertaire commença à s’organiser dans les pays de l’Est, et l’équipe d’Iztok jugea progressivement que son rôle historique était dépassé. La publication fut donc interrompue avec le 20e numéro, en juin 1991.

En parallèle, Nicolas Trifon faisait des études de linguistique. En 1983, il soutint à l’EHESS, à Paris, une thèse de doctorat intitulée « Des blagues : masses parlantes et rhétorique marxiste-léniniste de pouvoir ». Il écrivit par la suite de nombreux articles et plusieurs ouvrages sur les pays de l’Est et collabora régulièrement à Radio Libertaire.

Entré en 1985 au syndicat CGT des correcteurs, actif au sein de la commission internationale pendant les premières années, il travailla à la base de données bibliographique Electre (Cercle de la Librairie-Livre hebdo) et, par intermittence, dans la presse quotidienne (Les Échos et Le Parisien libéré).
À partir de 2005, il entama une collaboration au Courrier des Balkans et devint le secrétaire del’association éponyme. Il était également l’animateur du blog L’en dehors balkanique

Donnant toujours des articles, notamment sur les pays de l’Est, à la presse libertaire – Le Monde libertaire, Offensive… –, il suivit, à partir de 2012, les activités du groupe roumain publiant Anarkhia.
Lors de l’agression russe contre l’Ukraine en février 2023, il avait vivement condamné l’impérialisme russe mais aussi toutes formes de nationalisme et revendiqua la figure historique de Nestor Makhno.

Nicolas Trifon, qui était le père d’une fille et résidait dans le quartier de la Butte aux Cailles (XIIIe arr.), est décédé des suites d’un cancer le 18 août 2023.

ŒUVRE : Marx à l’Est, Les Cahiers du vent du ch’min, 1984. — La Moldavie ex-soviétique : histoire et enjeux actuels. Notes sur les Aroumains, en Grèce, Macédoine et Albanie (avec Matei Cazacu), Acratie, 1993. — Les Aroumains, un peuple qui s’en va, Acratie, 2005 (nouv éd. en 2013, trad. serbe en 2010 et roumaine en 2012). — La République de Moldavie, un État en quête de nation (avec Matei Cazacu), éditions Non lieu, 2010.


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