Dictionnaire international des militants anarchistes
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MORELLE, Louis “LUCIEN”
Né le 7 janvier 1864 à Marcigny (Saône-et-Loire) - coiffeur - Lyon (Rhône), Grenoble (Isère) & Genève (Suisse).
Article mis en ligne le 21 septembre 2019
dernière modification le 26 octobre 2023

par Dominique Petit, R.D.

Louis Morelle avait subi deux condamnations à Lyon : le 22 août 1883, a six mois de prison pour vol et le 21 juillet 1884, 3 mois pour coups et blessures.
Il tira au sort en février 1884 et fut réformé en raison de sa surdité.
Il se trouva en prison en même temps que Cyvoct et Chautand avec lesquels il put communiquer et qui semble-t-il le convertirent à l’anarchisme. Morelle aurait fréquenté le café l’Assomoir en 1882 où eut lieu l’attentat attribué à Cyvoct. Il figura comme témoin à décharge de l’accusé, bien que celui-ci l’ait récusé.

Il travailla momentanément à Lyon, au salon de coiffure de son père (27 rue de la Charité).
Il contracta en 1884 une blennorragie, puis se fit « entraîner » à Grenoble par Mélanie Quillon dite Bron. Venu avec elle à Genève, il l’abandonna car elle se prostituait.

Revenu à Grenoble, il logeait en janvier 1887, 16 quai Meunier, dans un garni de la maison Albarret, avec sa maîtresse Mélanie, 35 ans, sans profession.
Le 10 janvier 1887, Morelle colla deux placards sur les portes de la cathédrale ; ils furent presque aussitôt enlevés. On pouvait lire le texte suivant sur l’une des deux affiches :
Au nom du peuple de la liberté !.
Le tribunal secret a condamné, en audience privée, le 2 janvier, M. Amand-Joseph Fava, ci-devant évêque de Grenoble, à la peine de mort !
En conséquence, le président du tribunal secret mande et ordonne, à tous les dépositaires de la justice, de mettre le présent jugement à exécution,
A savoir, que M. Amand-Joseph Fava, ci-devant évêque de Grenoble, doit mourir dans les quinze jours qui suivent le jugement.
Fait à Vienne, le 8 janvier 1887.
Le président,
D. T. P. V, A. +
Le trésorier,
R. L. W. +

Le soir, au moment de la fermeture de la cathédrale, ces menaces parurent avoir un commencement d’exécution ; deux formidables détonations retentirent près de la porte qui communiquait avec l’évêché. L’église fut aussitôt remplie d’une épaisse fumée.

Le 14 janvier 1887, il se fit arrêter à la gare de Grenoble par un agent alors qu’il était entrain de vendre des timbres dérobés à un buraliste. Selon la police, il ne vivait que du produit de vols et de la prostitution de sa maîtresse. Ils furent écroués. La perquisition, sur Morelle et à son domicile firent découvrir : deux lettres en date des 12 et 27 octobre 1886 qui auraient été adressées par Vitre, anarchiste de Lyon à Morelle ; une lettre en date 27 décembre 1886, qui aurait été adressée de Genève, par Sauzet, anarchiste à Morelle ; des coupures de journaux de Grenoble se rattachant aux placards anarchistes et à l’explosion qui eut lieu dans l’église ; trois paquets de papiers contenant, l’un une poudre noire qui paraît être un mélange de charbon de bois, de cendres et de poudre à feu, le second une poudre jaune semblant être du souffre et le troisième, une poudre blanche ; des enveloppes neuves avec l’adresse du docteur Lacassagne qui fut jadis son voisin pendant son enfance.
La police de Lyon enquêtait sur lui à la suite de l’envoi d’une lettre à un commissaire de police lyonnais où Morelle faisait des révélations sur les attentats commis à Lyon. Le commissaire spécial de Lyon, envoyé à Grenoble considéra que Morelle était un mythomane et que tous les documents avaient été rédigés de sa main. Aucune poursuite ne fut engagée contre les militants dénoncés par Morelle.

Le 23 mars 1887, le tribunal de Grenoble, le condamna à un an de prison pour vol de timbres-poste et « menaces de mort contre l’évêque » de cette ville. Il purgea sa peine à la maison centrale d’Embrun (Hautes-Alpes),

Entre octobre 1885 et le 29 mars 1888, il y logea trois ou quatre fois dans un garni du faubourg de Genève. « Sans ressource », isolé, il vivotait avec une « vingtaine de francs », gagnés à la prison d’Embrun. Il déroba à sa logeuse six albums photographiques, qu’il brada pour un franc chez un libraire. Voulant se « faire arrêter », il écrivit alors une carte postale anonyme au « Directeur de la Police de sûreté ». Il se dénonça pour « faire croire à un [inexistant] complot anarchiste » :
Monsieur /Je vous envoie cette lettre pour vous prévenir que d’odieux attentats se préparent contre les établissements religieux de la ville. Un heureux hasard m’a fait connaître l’instigateur de ces complots qui est un nommé Morelle, anarchiste très dangereux ! - N’ayant guère le temps de vous expliquer, je puis vous dire qu’il reçoit ces lettres à la poste restante de la ville aux initiales : L.M. / Je reste à votre entière disposition au temps voulu et désire garder l’anonyme pour le moment […].

Le 1er avril 1888, il viola, avec violence, une enfant de 4 ans. Le 5 avril, vers 12 heures 30, la police l’arrêta alors qu’il était revenu aux abattoirs pour se « livrer sur les bestiaux à des actes ignobles ». Une perquisition de sa chambre dans un garni du 6 faubourg de Saint-Gervais, hôtel de la Croix d’Or, en présence de la logeuse, permit à la police de saisir « une valise, deux chemises sales, quelques lettres », la photographie de l’« anarchiste Gautier » dédicacée à Morelle. Il conviendra avoir dédicacé lui-même la photographie de Gautier saisie dans sa chambre (pour faire croire que j’étais en relation avec un anarchiste).
La police trouva sur Morelle des « lettres très compromettantes », dont trois manifestes calligraphiés sur du papier d’écolier et signés par la Légion des vengeurs qui combattait les « sbires du cléricalisme ». Ces manifestes écrits à la main avec de l’encre rouge, avaient été placardés sur la porte de l’imprimerie de la Tribune de Genève.

Le 3 avril 1888, Morelle avait déjà placardé deux manifestes (« Tremblez infâmes !!! ») à la porte de l’église catholique du Sacré-Coeur, puis y déposa le lendemain soir un « flacon […] rempli de poudre et de petites pierres [qu’il a enflammé] à l’aide d’une mèche et qui a produit une forte explosion".
Le procès aux Assises de Genève s’ouvrit le 4 juillet à 9 heures du matin.
Selon le rapport du 6 février 1887, rédigé par le docteur Alexandre Lacassagne sur l’« état mental » de Morelle, sa souffrance morale reposait sur la surdité contractée à l’âge de 14 ans. Emplie de « bourdonnements continus », l’infirmité sensorielle culminait lors d’« attaques avec pertes de connaissance ». Ces « vertiges épileptiques » résulteraient de l’altération dans la « structure ou la circulation des centres nerveux ». Frôlant la « manie », l’aliénation de Morelle était donc nerveuse. Morelle était un peu mythomane. Pour conclure, Lacassagne jugea l’« état mental » de Morelle « sain au point de vue de la responsabilité » morale, partiellement diminuée par la surdité et l’« altération probable d’une partie des centres nerveux ».
Après vingt minutes de délibération à huis clos, le jury énonça le verdict « pur et simple » de culpabilité. Il répondit « non » à la question subsidiaire de l’« aliénation mentale ». La Cour le condamna à vingt ans de réclusion criminelle et à 2 000 francs de dommages et intérêts pour la partie civile.

Incarcéré à la prison de Saint-Antoine le 4 juillet, à l’issue de son procès, pour purger sa peine de vingt ans, il fut transféré le 5 novembre 1888 à l’asile psychiatrique des Vernets. Il en ressortit le 28 mai 1891 pour retourner en prison jusqu’au 25 février 1892, date à laquelle il revint aux Vernets. Alertée par ce va-et-vient, la Commission de Grâce examina le recours (avril) de Morelle. Vu son « état » mental, elle fit adopter le lundi 2 mai 1892, un « préavis favorable » à sa libération. La grâce fut effective lorsque les autorités françaises légiférèrent pour « son internement dans un asile d’aliénés ». Le 5 décembre 1892, sachant que Morelle serait enfermé, le Département de justice et de police l’expulsa vers la France. Via Bellegarde, il fut mené à l’asile de Bron.


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