Dictionnaire international des militants anarchistes
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MONOD, François
Né à Lyon le 20 décembre 1849 - mort le 24 août 1907 - Ebéniste ; brocanteur - Dijon (Côte-d’Or) -Besançon (Doubs) -
Article mis en ligne le 20 septembre 2010
dernière modification le 17 mars 2024

par R.D.

François Monod avait été le fondateur du Groupe d’études sociales de Dijon, adhérent au Parti ouvrier français (POF) et avait été notamment en contact avec Benoit Malon. Il diffusait alors le quotidien L’Émancipaation (Lyon), L’Egalité (Paris), La Tenaille (Saône-et-Loire) et, semble-t-il Le Branle Bas (Gard) organes du parti.

Devenu anarchiste, François Monod dit L’anarchiste dijonnais, était au début des années 1880 en contact avec des camarades de Genève ainsi qu’avec la section lyonnaise de la Ligue pour l’abolition des armées permanentes. Il était qualifié par la police "d’agitateur" qui colportait la feuille La tenaille, organe des travailleurs de la régionde Saône-et-Loire et des comités révolutionnaires creusotins. En 1884 il était ébéniste 40 rue Berlier et fut avec le cordonnier Sarcelles l’organisateur au Grand théâtre de Dijon, le 3 juillet, d’une conférence contradictoire de Paule Minck. Cette même année 1884 il fut l’auteur d’un placard signé des "Groupes anarchistes de Dijon" et participa aux mouvements des ouvriers sans travail à Dijon et à Lyon où en septembre il prit la parole et distribua le placard “Pourquoi il y a des anarchistes ?D’où vient la misère” qui avait été imprimé à Dijon à une dizaine de milliers d’exemplaires. L’année suivante la police signalait qu’il était abonné au journal communiste anarchiste Terre et liberté publié à Paris par Antoine Rieffel. Lors du mouvement des sans travail à Lyon, c’est lui qui aurait porté à l’Hôtel de ville leurs doléances et qui, lors de l’ouverture des chantiers municipaux aux Brotteaux, avait été à la tête de la foule qui s’opposait à la police protégeant les ouvriers qui y travaillaient.

Le 15 février 1885, alors qu’il faisait de la propagande dans les communes voisines, la police perquisitionna son domicile où, à la recherche de dynamite, et selon le journal Terre et Liberté (21 février 1885), les policiers avaient été jusqu’à “réveiller deux enfants en bas-âge pour regarder s’il n’y avait rien sous eux, et, en plongeant la main sous les enfants, dans leurs berceaux, ils retirèrent aux bouts de leurs doigts de la dynamite qui, après vérification faite, se sont apperçus qu’elle était loin de sentir la rose”. Ce même jour, Monod était interpellé dans une gare, déshabillé, fouillé tandis que les gendarmes renversaient toutes les brochures qu’il avait dans sa boite, à la recherche sans doute du Manifeste international des groupes Italiens, Espagols, Ruses, Allemands, Polonais, Anglais et Irlandais de Londres dont de nombreux exemplaires avaient été placardés à Dijon.

Début juillet 1885, sous le nom de Lagrange, il aurait donné, selon la police, une conférence dans les bois de la commune de Saint-Nizier sous Charmois sur l’organisation révolutionnaire, réunion à laquelle avaient assisté plusieurs dizaines d’ouvriers venus de Montceau-les-Mines et du Creusot et dont beaucoup étaient armés de révolvers.

Carte de membre de la Libre pensée de François Monod

Lors de ses passages à Lyon en novembre-décembre 1886, il était logé chez le compagnon Louis Michel, rue de la Corne de Cerf, où il rencontra plusieurs autres compagnons dont Aubert, Louis Michel et Célestin Dervieux. A Paris, il se faisait adresser son courrier au bureau du Révolté, 140 rue Mouffetard.

A cette époque il était marié à Marie Elisabeth Quarteron (née vers 1848), ouvrière à la Manufacture de tabac et avec laquelle il demeurait 39 rue de la Charité à Dijon.

Lors d’une série d’attentats à Lyon puis à Dijon, son domicile fut perquisitionné en son absence par la police qui, selon Jean Grave, alla jusqu’à fouiller même le berceau du bébé où elle trouva “un paquet bien ficelé… cette fois on le tenait. On avait découvert le pot aux roses !Hélas, non. Si c’était odorant… ce n’était que de la m… dre aurait dit le Père Ubu”. Monod “un grand gaillard, large d’épaules, colossal…un mélange de finesse en même temps que de naïveté” était à ce moment monté à Paris pour visiter Jean Grave au siège de La Révolte où il fut d’ailleurs brièvement arrêté.

Le 15 février 1887, dans une lettre adressée au compagnon Montfouilloux, il avait écrit vouloir se rendre à Dijon pour y assister à un congrès régional devant se tenir les 18 et 19 février. Il précisait qu’il ne résiderait pas à Dijon “étant trop connu, mais dans un village des environs, chez un ami".. Suite à son arrestation, ce congrès, selon la police, se serait tenu au Creusot en présence de 5 délégués : Marquetti, Brunet dit Duchamp, Kirchner, Naudet et Girod.

A l’été 1887, suite à une perquisition en décembre précédent où avait été trouvée de la poudre à canon, il fut poursuivi avec Naudet devant la Cour d’assises de Dijon pour " détention de substance explosive" et "tentative d’assassinat sur le procureur de la République de Dijon" ce qui lui valut une condamnation en septembre à 1 an de prison et 50 fr d’amende. Pendant son incarcération (février 1887- août 1888) ses enfants qui avaient été placés chez les bonnes sœurs subiront de mauvais traitements et seront baptisés de force.

Groupe Les Résolus : 1. Manière - 2. Duret - 3. Gaillard - 4. femme Catinot - 5.? - 6. ? - 7. Catinot - 8. fille Courbet - 9. femme Monod - 10. ? - 11. Dessolin - 12. femme Massoubre - 13. ? - 14. ? - 15. Poncelet - 16. Lantequin (?) - 17. ? - 18. ? - 19. François Monod - 20. Marceau Monod - 21. Baboeuf Monod

A l’automne 1891, il avait été l’organisateur et l’orateur d’un meeting tenu à Dijon pour l’anniversaire de la mort des huit anarchistes de Chicago “pendus pour la cause de l’humanité“…

Le 17 janvier 1892, lors de la soirée familiale tenue à la brasserie Corompt à Lyon pour clore le congrès régional anarchiste - auquel il avait représenté Dijon avec Bardot, Catinot, Gourand et Aminot - et le cycle de conférences de Sébastien Faure, il avait interprété le texte Le Centenaire de Saint-Bernard.

En 1892, comme sa compagne Valentine Thomassin, il était membre du groupe anarchiste Les Résolus formé à Dijon. Comme de très nombreux compagnons, tant à Paris qu’en banlieue et en province, il avait été arrêté le 22 avril 1892 préventivement à la manifestation du 1er mai avec plusieurs militants locaux dont Catinot, Manière, Bardot, Massoubre et Bell. Suite aux 23 jours qu’il passa en prison, il avait perdu son magasin du 29 rue Saint-Martin, n’ayant pût en payer payer le loyer au propriétaire. Il était à cette époque le père de 5 enfants dont l’un prénommé Bakounine et l’autre Baboeuf.

Le 18 mars 1893 il avait été condamné à une amende de 22 francs pour "rébellion et tapage nocturne".

Il fut l’un des fondateurs de l’hebdomadaire anarchiste communiste La Mistoufe (Dijon, au moins 6 numéros, 5 novembre au 10 décembre 1893), souvent appelé La Mistoufle, dont le secrétaire de rédaction était J. Poirel et l’imprimeur gérant J. Hinaut. Le journal portait en épigraphe L’Anarchie est l’avenir de l’humanité - Notre Patrie est la terre entière.

Dans la vitrine de sa brocante fut longtemps exposée une photographie de lui tenant un tableau où l’on pouvait lire : “Ni Dieu ! Ni Maître ! La Propriété c’est le vol ! A bas les frontières !”. Un exemplaire de cette photo fut retrouvée au domicile d’Émile Henry.

Début janvier 1894, comme la plupart des membres du groupe, il fut l’objet d’une perquisition où la police avait notamment saisi de la correspondance avec H. Zisly et A. Reuge.

Le 12 décembre 1894, à la gare de Dijon où il était venu avec entre autres Manière, Paris et Hinaut raccompagner Sébastien Faure, il avait crié “Vive la révolution sociale ! Vive l’humanité ! Courage, marche toujours, n’aie pas peur ! Vive l’anarchie !”. Arrêté le 2 janviers 1894 avec notamment Joseph Hinaut, il bénéficia le 10 février d’un non-lieu pour "association de malfaiteurs" tout comme J. Hinaut, A. Legrand et A. Bigarnet. Il fut ensuite arrêté pour s’être réjouidans un café de l’assassinat du Président Carnot et poursuivi avec Quesnel (condamné à 3 ans de prison) et Victor Gaillard (condamné à 2 ans), et fut condamné en août 1894 à cinq ans de travaux forcés et à la relégation perpétuelle pour “affiliation à une association établie dans le but de préparer ou de commettre des crimes contre les personnes ou les propriétés, d’apologie de faits qualifiés crimes, de provocation de militaires à la désobéissance” et fut envoyé au bagne de Guyane.

Lors de son arrestation le 21 juin 1894, la police avait notamment saisi une photographie du groupe anarchiste de Dijon et un drapeau noir sur lequel était écrit d’un coté " Ni Dieu, ni Maître ! Vivre en travaillant, Mourir en combattant ! A bas les frontières ! " et de l’autre coté “Les Résolus”. Il avait également été accusé, après son arrestation, de financer la propagande anarchiste, ce à quoi il avait répliqué dans une lettre adressée au Procureur de la République : " Ce n’est pas en ayant quatre enfants, ayant perdu 600 francs en faisant crédit, quatre déménagements en cinq ans et 29 jours de prison en mai 92 qui pouvait me permettre de donner de l’argent à la propagande vu le commerce comme il va mal. Si j’avais eu de l’argent à donner, ça aurait d’abord à ceux à qui je devais, et pour acheter des souliers et des vêtements à mes enfants qui plus d’une fois ont manqué l’école pour ce motif… la seule chose que j’ai donné à la propagande a été mon temps.." (1er février 1894).

A l’issue de sa peine il avait été transféré en relégation à Saint-Laurent du Maroni. Suite à une campagne engagée en 1898 notamment par Émile Pouget et Sébastien Faure et relayée par la Ligue des Droits de l’homme en faveur des oubliés du bagne et à la faveur de l’affaire Dreyfus, Monod fut finalement gracié le 11 novembre 1899 et débarqua à Saint-Nazaire le 28 janvier 1900.

Revenu immédiatement à Dijon, il reprit son métier de brocanteur et son militantisme et raconta son expérience au bagne : " Gracié le 11 novembre, je n’ai connu officiellement ma grâce que le 29 décembre à Saint-Laurent du Maroni où j’étais en relégation depuis le mois de juillet. J’ai fait mes cinq ans de bagne aux îles du Salut, île Royale, là, étant dans la même case qu’eux, j’y ai connu les frères Degroeve (Rorirque), l’aîné, un colosse, est mort avant leur grâce. J’ai été envoyé à l’île du Diable en tant que menuisier pour travailler à la palissade qui entourait la case de Dreyfus… Mes cinq ans de bagne expirés, je fus envoyé en rélégation à Saint-Laurent du Maroni… je fus immédiatement occupé dans un atelier d’ébénisterie où je devins rapidement contre-maître… Embarqué le 2 janvier au matin sur la Capi, bateau de l’administration, j’arrivais le 3 à Cayenne… Parti le même jour sur le Ville de Tanger pour la Martinique, j’arrivais le 8 à Fort de France et en partis le 12 à bord de la Ville de Marseille" (cf. Le Père peinard, 28 février 1900). Dans le même témoignage il donnait également des nouvelles des compagnons Massoubre toujours à la Nouvelle et Catinot aux îles du Salut. Il ajoutait vouloir reprendre son ancien métier de fripier “ayant sept bouches à nourrir”.

Membre du groupe anarchiste de Dijon, Monod fut en 1904 l’un des signataires d’un Manifeste contre la guerre en extrême orient avec notamment Ch. Hotz, Marestan, Zisly et E. Armand.

Vers 1905 ou 1906, il quitta Dijon pour effectuer une tournée de conférences dans le Jura et le Doubs. Installé à Besançon, 2 rue Thiémenté, il y fit paraître les journaux La Misère (Besançon, numéro 1, juillet 1907) sous-titré “Organe des travailleurs "et dont le gérant étair Émile Baudier (ou Baullier) et La grève (Besançon, 1907). Ces feuilles qui n’eurent sans doute qu’un numéro unique et auxquelles collaborèrent également A. Ramou (sans doute Reine Piel) et Alphonse Moussault, étaient diffusées au profit des grévistes d’une papeterie et d’une soierie.

François Monod est décédé à Besançon le 24 août 1907.

A Besançon et jusqu’à son décès, F. Monod avait vécu avec Reine Piel dite Ramou (née le 31 août 1861 à Saint-Léger sur Dheune, Saône-et-Loire) qui avait reçu une assez bonne instruction à l’école des sœurs de Saint-Joseph de Cluny. En 1904 elle s’était séparée de son mari (épousé en 1885 au Creusot), le serrurier Claude Percherancier qui avait été conseiller municipal à Dijon de 1896 à 1898. Après la mort de son compagnon, elle vécut seule et allait chaque jour ramasser des plantes et des champignons. En 1910 elle fut emprisonnée 2 jours pour dettes. Reine Piel participa par la suite à des avortements - sans recevoir d’argent - ce qui lui valut d’être condamnée en 1922 à 2 ans de prison par la Cour d’assises du Doubs suite au décès de la jeune femme avortée. Elle était alors brocanteuse. En 1930 elle fut une nouvelle fois condamnée à 2 ans de prison pour "pratiques abortives" par le tribunal correctionnel de Besançon et fut transférée à la prison de Haguenau où dès son entrée elle se déclara "sans religion".


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