Dictionnaire international des militants anarchistes
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MORAND Jeanne, Françoise
Née le 17 août 1887 à Bey (Saône-et-Loire) – morte le 26 février 1969 - Domestique ; couturière – Paris – Barcelone (Catalogne) & Valence (Levant) - Belgique
Article mis en ligne le 24 mars 2011
dernière modification le 14 septembre 2023

par R.D.

Fille d’un terrassier anarcho-syndicaliste, Jeanne Morand était arrivée en mai 1905 à Paris et se plaça comme domestique. Elle y fréquenta les réunions organisées à la " Cité d’Angoulême " par le groupe des Causeries populaires du XIe arr., y fit la connaissance de l’anarchiste Albert Joseph, dit Libertad, et quitta son emploi en mars 1907 pour vivre avec lui au siège de l’hebdomadaire individualiste L’anarchie, rue du Chevallier-de-la-Barre (18e arr.) où elle travailla notamment à l’imprimerie du journal.

Elle fut condamnée le 29 juin 1907, par la 9e chambre correctionnelle, à un mois de prison avec sursis pour " outrages et voies de fait envers des employés du chemin de fer métropolitain " : le 27 juin 1907, elle avait été arrêtée à la station Bastille ainsi que Libertad et d’autres alors qu’ils vendaient L’anarchie aux voyageurs et n’avaient pas présenté de billet au contrôle. Appréhendée à nouveau le 8 juillet, pour s’être opposée à l’arrestation de Libertad, elle fut relaxée.

Après la mort de Libertad en 1908 elle assura pendant quelques mois, de décembre à mars 1909 la gérance de L’anarchie avec Armandine Mahé et l’administration de son imprimerie. Elle habitait alors rue Ordener. En mars 1909, suite à son arrestation et à sa condamnation à plusieurs mois de prison pour sa participation à une manifestation, elle avait été remplacée à la rédaction de L’anarchie par Maurice Duflou et à la gérance par Lucien Lecourtier qui à son tour fut recherché à l’été 1909 et en fuite et fut remplacé par Lorulot.

Devenue la compagne de Jacques Long Jaklon elle fut nommée au début des années 1910, aux cotés de Berthe Lemaître, secrétaire du Comité féminin contre la Loi Berry-Millerand qui portait la durée du service militaire de 2 à 3 ans. Elle publia alors plusieurs articles antimilitaristes dans la presse libertaire et participa comme oratrice à des meetings.

En 1913 elle participait à la création d’un cours de diction pour les comédiens amateurs du Théâtre du peuple et aurait également participé à la création autour de José Estivalis Calvo Armand Guerra de la coopérative cinématographique le Cinéma du peuple.

En août 1914, à la déclaration de guerre, avec son compagnon Jacques Long, déserteur, elle se réfugia en Espagne d’abord à Barcelone où ils collaborèrent à Solidaridad obrera et à Tierra y Libertad, puis à Valence. Elle collabora à cette époque au journal d’E. Armand Par delà la mêlée (Orléans-Dols, 1916-1918). Ses deux frères qui avaient également désertés, s’étaient réfugiés en Angleterre. Elle serait revenue en France en 1915 pour aider des compagnons à déserter ou à s’insoumettre.

En janvier 1919 elle fut expulsée d’Espagne avec son compagnon, pour propagande anarchiste, et le couple se réfugia alors en Hollande puis en Belgique. Le 19 novembre 1920, le conseil de guerre de Bordeaux la condamna par contumace, ainsi que Jacklon, à la déportation perpétuelle dans une enceinte fortifiée pour « intelligence avec l’ennemi », en raison de son attitude pendant la guerre. Dans un article intitulé "Lettre de proscrit" et signée Jeanne Moreau, après avoir revendiqué son action, elle écrivait : “En face des gueules de leurs canons qu’ils ne manquent jamais de braquer sur nous, devons nous, à la façon de Han Ryner nous croiser les bras sous prétexte que la violence est indigne de nous ? Que non pas ! Camarades, j’opte pour l’expression de Charles D’Avray : Braquez, chargez, pointez sans crainte de déchets, la gueule des canons sur celle de vos chefs” (cf. Le Libertaire, 28 janier 1921).

En 1921 elle participa avec son compagnon au congrès international antimilitariste de La Haye où fut fondé le Bureau international antimilitariste.

Revenue en France en juillet 1921, après le suicide de Jacklon, Jeanne Morand se constitua prisonnière le 20 juillet à Mandres-les-Roses (Seine-et-Oise) où résidait sa mère et, le 5 mai 1922, le conseil de guerre de Bordeaux la condamna à cinq ans de prison et dix ans d’interdiction de séjour pour « appel à la désertion ». A l’audience elle avait notamment déclaré : “En Espagne ou en France, nous n’avons, Jacques Long et moi, pas plus lutté pour l’Allemagne que pour la France, ni contre ; nous avons lutté contre la guerre” (cf. Le Libertaire, 12 mai 1922).

En août 1922, plusieurs compagnons - dnt Fister, Nadaud et Loreal - menèrent une grève de la faim d’une douzaine de jours pour qu’elle obtienne le régime politique.

Transférée de Bordeaux à Montpellier, puis vers novembre 1922, en wagon cellulaire à Rennes où elle fut Incarcérée et où à l’été 1923 un Comité d’entraide fut organisé à l’initiative des compagnons Texier et Liouville, puis à Corbeil, elle fit plusieurs fois la grève de la faim pour obtenir le statut de détenue politique. Suite à une importante campagne de soutien menée notamment par le Comité de défense sociale (CDS) et l’Union anarchiste début 1924 pour qu’elle soit autorisée à visiter sa mère mourante. Le 20 février 1924, afin d’obtenir une suspension de peine, elle entamait une nouvelle grève de la faim à laquelle, en solidarité, se joignaient les compagnons Charles Chauvin, Louis Loréal, Marcel Lhomme et Gaston Meunbier détenus politiques à la Santé ainsi que le jeune communiste Jacques Doriot. Le 28 février un meeting de soutien fut organisé à la Maison des syndicats dans lequel prirent la parole P. Besnard et Rousset (CDS), Sébastien Faure (UA), Jouve et Cané (SUB) et auquel assistèrent environ 1500 personnes. Ce même jour Jeanne Morand était transférée à l’hôpital de Corbeil où elle continua de refuser de s’alimenter. Le 1er mars 1924, dans une lettre adressée à son avocat, H. Torrés, elle écrivait à propos de l’administration pénitentiaire : “…Je ne puis plus me fier à eux, même si vous veillez à l’exécution de leur promesse, de leur "parole donnée".Non je ne suis pas du bois avec lequel on fait des flûtes ; non, je ne me plierai pas aux caprices, aux fantaisies, d’aussi tristes individus ; non je ne peux plus céder maintenant… Après m’avoir dit que tous les huit ou dix jours, j’irais auprès de maman et y resterais trois heures chaque fois, ils ne m’y laissèrent qu’une heure la première fois, deux heures la seconde et ce fut tout. Non je ne puis plus supporter tant d’arbitraire. Ce sacrifice, dites vous, peut m’être mortel… Eh bien oui, ils auront la mère et la fille… Je joue ma vie, c’est vrai. Mais ne me plaignez pas trop, je souffre tellement depuis dux mois que j’ai hâte d’en finir” (cf. Le Libertaire, 2 mars 1924). Ce même jour elle était transférée à l’hôpital de Versailles où elle persista à refuser de s’alimenter. Suite à la campagne de presse et à l’intervention de Maître Torrès auprès du Garde des sceaux, elle obtenait enfin la promesse de pouvoir se ren dre auprès de sa mère et recommençait à s’alimenter le 4 mars.

Elle bénéficia le 29 août 1924, d’une mesure de clémence, fut libérée et se retira à Mandres.

Au congrès de l’union anarchiste, les 1er, 2 et 3 novembre 1924, G. Bastien, secrétaire de rédaction du Libertaire, parla " de Jane Morand, qui avait complètement abandonné l’anarchie, et dont les suggestions étaient impraticables ". Jane Morand prit la parole le 3 novembre au congrès pour répondre à " ceux qui l’avaient calomniée ".

Pendant l’entre-deux-guerres, Jane Morand collabora à la Revue anarchiste (Paris, 1922-1925) de Sébastien Faure, puis au Libertaire quotidien de décembre 1923 à mars 1925 et participa à l’enquête sur le végétalisme parue dans Le Végétalien (n°3-5, avril-novembre 1926) de G. Butaud. Elle acceuillit également à plusieurs reprises des colonies enfantines, notamment à l’été 1929, (5 enfants) et en 1930, envoyés par la Colonie libertaire enfantine animée par Theureau, Lentente, Langlois, Grégoire et G. Rolland (cf. Plus Loin, mai 1930).

C’est en 1932 qu’elle commença à donner des signes de déséquilibre mental (cf. lettre à Armand du 5 mai 1933, archives Armand, IFHS) et fut internée dans diverses institutions. En 1937, elle était pensionnaire de l’oeuvre de l’Hospitalité du Travail à Paris.

Jeanne Morand, dont les sœurs cadettes Alice et Marie furent également des militantes libertaires, est décédée le 26 février 1969 à Firz-James (Oise).


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