Dictionnaire international des militants anarchistes
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Y’en a pas un sur cent… et pourtant des milliers d’hommes et de femmes de par le monde, souvent persécutés, embastillés, goulagisés et parfois au prix de leurs vies, ont poursuivi leur chevauchée anonyme à la recherche d’un impossible rêve : un monde sans dieux ni maîtres.

MOLINIER, Jean-Adolphe

Né le 14 juillet 1883 à Tauves (Puy-de-Dôme) — Garçon limonadier, camelot — Paris
Article mis en ligne le 12 juin 2016
dernière modification le 8 août 2024

par Dominique Petit, ps

Le 5 mai 1907, Jean Molinier posa, pour la forme, sa candidature à l’élection municipale complémentaire du quartier Saint-Gervais et signa les affiches anarchistes apposées pour engager les électeurs à ne pas voter. Il organisa avec d’autres anarchistes plusieurs réunions abstentionnistes. Ce même mois de mai 1907, il fut un des signataires de l’affiche Aux soldats.

Membre de La Jeunesse antimilitariste, il demeurait rue des Jardins Saint-Paul et avait été chargé de la distribution à l’été 1907 de la réédition de la brochure La Crosse en l’air.

En août 1907, il signa l’affiche antimilitariste Aux crimes, répondons par la révolte (voir Eugène Moucheboeuf), dont voici le texte :
“Après les nombreuses assommades, arrestations, poursuites, condamnations de militants ouvriers à travers toute ta France ; après les tueries de Nantes et de Narbonne, la police vient a nouveau de sauver l’ordre bourgeois en faisant couler le sang ouvrier.
Devons-nous, en réponse a de tels crimes, rééditer les lieux communs de flétrissure ou de blâme a l’égard du gouvernement d’assassins !
A quoi bon ? Les ministres sont dans leur rôle en peuplant de nos amis les prisons républicaines. Les policiers ne font que remplir leurs fonctions lorsqu’ils assomment et assassinent.
A nous de nous défendre.
A la force, opposons la force. A la violence, répondons par la violence !
Aux travailleurs, on opposera les travailleurs revêtus de l’uniforme.
Soldats, vous refuserez de servir les policiers !
Vous vous souviendrez que la cause que nous défendons est la votre, celle de tous les opprimés.
Soldats, vous refuserez de tirer sur vos frères révoltés !
Comme vos camarades du 17e de ligne, vous vous insurgerez contre les chefs assassins !
L’exemple des soldats de Béziers vous sera utile. Ils ont commis une faute que vous ne renouvellerez pas.
Les soldats du 17e désarmés par les conseils et les promesses des politiciens ont été envoyés sous le soleil meurtrier d’Afrique.
Vous n’écouterez pas les endormeurs !
Si l’on fait appel a vos fusils pour nous combattre, vous ferez cause commune avec vos frères révolutionnaires.
Et au lieu de rendre les armes, vous vous servirez de vos cartouches contre les affameurs et les assassins qui nous gouvernent et qui vous commandent et vous les fusillerez sans pitié !
 »

Poursuivi sous l’inculpation d’excitation des soldats à la désobéissance et au meurtre de leurs chefs, il fut condamné le 14 septembre 1907, à 3 ans de prison et 100 francs d’amende, par la Cour d’assises de la Seine. Au cours des débats, il se fit remarquer par la violence de ses déclarations antimilitaristes où il était question de gouvernement d’assassins, de brutes galonnées de Narbonne, de Raon-l’Étape, d’infamies à tous les degrés. Au président de la Cour qui l’interrogeait il avait ajouté : « Vous pouvez me condamner, je n’en répéterai pas moins “Tirez sur ceux qui ont eu l’impudence de vous mettre un fusil en mains !”.Malgré mon âge, c’est en pleine connaissance de cause que je me déclare antimilitariste et anarchiste. Et qu’on prenne garde de me confie jamais un fusil. Je saurais choisir mes victimes parmi ceux qui auraient l’infamie de me commander de m’en servir ! » (cf. Le Libertaire, 22 septembre 1907).
Il purgea sa peine à Clairvaux.
Pendant son incarcération il avait été expulsé de son logenent de la rue des jarins Saint-Paul et du local des Causeries au 13 rue Saint-Paul, ce qui obligea les compagnons du groupe du IVe donnt il était membre à cherhcer un autre local.

Début avril 1909, avec 3 autres détenus politiques, Durupt, Goldschild et Ruff, condamnés eux aussi pour antimilitarisme, Molnier s’attendait à une libération prochaine, grâce à la loi d’amnistie adoptée par la chambre mais dont le sénat repoussa la discussion au 18 mai ; de colère les quatre détenus brisèrent tout ce qui se trouvait sous leurs mains et se barricadèrent dans la salle du quartier politique, injuriant le sénat et chantant L’Internationale. Le poste militaire dut intervenir pour mettre un terme à leurs violences.
Molinier fut libéré le 19 juin 1909.

En août 1909, il fut inscrit au carnet B de la Seine, sa notice individuelle le classant comme anarchiste antimilitariste.

Au mois de septembre 1910, le sacristain de l’église de Thenay (Loir-et-Cher) constatait la disparition du tryptique inscrit sur le catalogue des Beaux-Arts sous le n° 137 et représentant, ouvert, l’adoration des Mages, la présentation au Temple et la naissance du Christ. Fermés, les deux panneaux laissaient voir des anges et des banderoles ornées d’inscriptions latines.
Il était estime 10, 000 fr. L’enquête de la police amena en octobre 1910 l’arrestation de Marcel Simonin, vingt et un ans, menuisier, déjà condamne par la Cour d’assises du Loir-et-Cher à dix ans de travaux forcés comme faux-monnayeur. En janvier 1911, la Sûreté parisienne arrêtait Moulinier pour vol d’une automobile, à Lyon. Il s’était servi de cette voiture pour le cambriolage de l’église de Thenay. Le véhicule avait été volé avec Bonnot et Marcel Simonin, et ensuite amené à Choisy chez Dubois.
Deux nouveaux complices les rejoignirent à la prison de Blois, Roccasi-Colomb, arrêté à Loos (Nord) pour vol, escroquerie et abus de confiance, et Kermabon, mécanicien, âgé de trente ans. Un autre compagnon, Camille Favier (en fuite), était également soupçonné de complicité dans ce vol.
Molinier avait déjà été signalé à la Sûreté, comme se livrant à la fabrication de fausse monnaie avec d’autres anarchistes. Le rapport ajoutait qu’il fréquentait le siège du Libertaire, représentait la librairie anarchiste du Progrès et avait été un temps correspondant de La Guerre sociale. Au cours d’une perquisition chez lui, on trouva des lettres et des cartes signées Jean Goldsky, Yvetot, Georges Durupt, Émile Goulain (de l’AIA).

Dans cette affaire Molinier fut condamné à 8 ans de réclusion par la Cour d’assises du Loir-et-Cher. Incarcéré à la prison de Blois, il continua de maintenir une correspondance avec Jean Goldsky qui lui faisait parvenir du secours.

Il fut libéré le 20 octobre 1918, par suite de remise de peine et dirigé sur le dépôt de la 1ere section d’exclus à Clermont-Ferrand, où il resta jusqu’en mars 1919, date à laquelle il fut renvoyé dans ses foyers en congé illimité (5e échelon de démobilisation)

En juillet 1921, Molinier fut rayé du Carnet B de la préfecture du Puy-de-Dôme, étant disparu depuis plus de deux ans.


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