Dictionnaire international des militants anarchistes
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Y’en a pas un sur cent… et pourtant des milliers d’hommes et de femmes de par le monde, souvent persécutés, embastillés, goulagisés et parfois au prix de leurs vies, ont poursuivi leur chevauchée anonyme à la recherche d’un impossible rêve : un monde sans dieux ni maîtres.

VASAI, Pietro, Giuseppe, Felix « PIATTOLI »

Né à Florence le 27 octobre 1866 – Mort le 11 décembre 1916 - Coiffeur ; commis de bureau ; typographe – Florence (Toscane) – Lyon (Rhône) – Barcelone - Tunisie - Alexandrie & Le Caire (Egypte)
Article mis en ligne le 18 mai 2025
dernière modification le 2 juin 2025

par R.D.
Pietro Vasai

Fils de Clemente et de la chapelière Maria Righi, Pietro Vasai s’était fait remarquer dès l’âge de 17 ans au sein du club Amilcare Cipriani de Florence. Au cours de ces années (1883-84), il fut également trésorier du Cercle des Jeunes Ouvriers Socialistes et directeur de La Questione Sociale (1883-1884) publiée à Florence à l’initiative de Malatesta. Pour ce rôle et pour avoir été parmi les 89 signataires du Manifeste de solidarité avec Malatesta et ses compagnons (février 1984), il avait accumulé entre fin 1984 et 1986 une série de condamnations à près de quatre ans de prison. Il s’était alors réfugié à Lyon où il fut arrêté en mars 1885 alors qu’il collait des affiches subversives. Condamné à 4 mois de prison pour vagabondage, il fut l’objet d’un arrêté d’expulsion le 21 septembre 1885, remis aux autorités italiennes et incarcéré.

Suite à l’amnistie de juin 1887, il revint libre à Florence où avec G. Cioci, il fut parmi les promoteurs du nouveau groupe Né Dio né Patria et de la nouvelle série de La Questione Sociale (1888-1889). Le périodique avait commencé à paraître en mai. En juin 1888, Vasai fut de nouveau condamné à Florence, à un mois de prison et 600 francs d’amende, pour délit de presse ; en août 1888 à 14 jours de prison, pour injures qualifiées et à 27 mois de prison et 2.700 lires d’amende pour délit de presse et enfin en novembre 1888 à 30 mois de prison et 2.800 lires d’amende, pour le même motif.
Cette fois, il se réfugia à Lugano, mais en janvier 1889, il gagna clandestinement Rome où, malgré la fausse identité de Alfredo Guercini, il fut rapide-ment arrêté (à d’autres occasions, il utilisait le nom de Piattoli). Il y avait cinq mandats d’arrêt contre lui et il ne fut libéré que grâce à l’amnistie du 30 novembre 1890.

A cette époque à Florence, après le congrès de Capolago, il y avait une grande agitation dans tous les milieux subversifs. Vasai fut désigné, avec G. Barsanti, S. Papini, Enrico Braccini, pour représenter les anarchistes à la Commission du Comité des Associations Populaires pour la célébration du 1er mai 1891. Le jeune anarchiste avait une grande aisance de parole et était très populaire parmi les ouvriers florentins et c’est lui qui tint le rassemblement sur la place Savonarola lorsque la police chargea et transforma la manifestation en une chasse aux « subversifs » dans toute la ville. Le procès qui en résulta se déroula du 8 au 12 mai et impliqua 46 travailleurs, dont dix anarchistes et cinq républicains.

Au cours du procès, Vasai avait profité de l’occasion pour expliquer et propager ses idées anarchistes, mais les juges l’avaient réduit au silence et l’avaient condamné à deux ans de prison supplémentaires. Il était libre depuis moins d’un an lorsque la vague de répression qui se profilait le contraignit à retourner en exil en juin 1894. Fin 1893 ou début 1894 il avait été arrêté à Florence avec Narcisse Groppi pour l’affichage de manifestes clandestins d’appui à l’insurrection en Sicile

Le 21 juin 1894 il arriva en Tunisie. Dans cette ville, il se forma au métier de typographe et publia le journal culturel L’Etna (juin-octobre 1895). Au terme de cette expérience, il tenta de retourner à Marseille, où il est connu comme un « subversif dangereux », mais déjà le 11 novembre, lors de la commémoration tumultueuse des martyrs de Chicago, il fut arrêté. Après quatre mois supplémentaires de prison, il fut remis à la police italienne le 1er juillet 1896. Neuf mois de prison supplémentaires l’attendaient pour avoir enfreint la surveillance spéciale et cinq ans de réclusion, qu’il commença à purger le 2 avril 1997, d’abord à Ponza, puis à Favignana et enfin à Ventotene. À ce stade, il demanda un « acquittement conditionnel », une mesure que le gouvernement accorda généreusement aux subversifs à condition qu’ils quittent le pays, et Vasai l’obtint également avec l’engagement de se rendre en Égypte. En fait, dès qu’il fut libre, il échappa à la surveillance et gagna Barcelone où il se mit à la disposition des anarchistes locaux, ce qui lui valut d’être, là aussi, immédiatement arrêté et expulsé (juin 1998).

Vasai atteint de tuberculose, se rendit de nouveau en Tunisie d’où, en octobre, il s’embarqua pour Malte puis pour Alexandrie en Égypte. Là pendant des années d’abord Malatesta, puis deux Livournais, F. Cini et Ugo Parrini, que Vasai connaît depuis longtemps, avaient donné vie à une colonie anarchiste vivante qui fut cependant déchirée par la controverse entre le premier, le véritable organisateur, et le second qui embrassait pleinement l’individualisme. Vasai se présenta comme une figure d’équilibre, devenant, comme l’écrit Bettini, « l’inspirateur et l’animateur de toutes les principales initiatives libertaires qui se sont développées en Égypte jusqu’au déclenchement de la Première Guerre mondiale ».

Membre du groupe d’Alexandrie il avait été arrêté en décembre 1898 avec Ugo Parrini, Copello, Biechielli, Tamberi et une dizaine d’autres compagnons
En 1901, à Alexandrie, avec l’aide de l’anarchiste libanais J. Rosenthal, il publie l’hebdomadaire en italien et en français La Tribuna Libera - La Tribune Libre (Alexandrie, au moins 7 numéros d’octobre à décembre 1901) qui ouvre un vif débat sur l’organisation des libertaires avec les périodiques L’Agitazione de Rome et avec les Temps Nouveaux de Paris. Cependant, le journal a dû fermer après seulement deux numéros.

Beaucoup plus durable fut l’autre initiative conçue et réalisée avec L. Galleani, arrivé à Alexandrie en même temps que Vasai : la fondation de l’Université Populaire Libre allait réussir à impliquer les intellectuels locaux et, connue sous le nom de « baraques rouges » de la rue Hamman el-Zahab, et eut un succès durable. En 1902, lors de l’épidémie de choléra qui sévit dans la région, il organisa les « Services de santé d’urgence ». Cependant, la tentative de développement, - avec R. D’Angiò, que Vasai et Parrini avaient contribué à créer l’année précédente, les ligues de résistance ouvrière, n’eut pas de succès. Le prolétariat local s’est en effet montré totalement réfractaire aux idées libertaires et seuls les ouvriers typographes avaient adhéré à l’initiative libertaire.

La publication de l’hebdomadaire destiné aux travailleurs, L’Operaio (1902-1903) que Vasai publie à partir de juillet de cette année-là avec D’Angiò, avec qui il collaborera également sur le périodique Lux, n’aidera pas non plus cette cause. L’initiative syndicale visant les travailleurs locaux avait également suscité de vives critiques de la part de Parrini qui avait vu le projet comme une déviation anarcho-syndicaliste. Même une série de conférences de P. Gori au début de 1904 ne parvint pas à apaiser les controverses parmi les anarchistes italiens vivant en Égypte. En réalité, Vasai était tout sauf un syndicaliste, sa position à l’égard des groupes comme du monde du travail était, pour ainsi dire, en phase avec l’internationalisme anti-organisationnel.
En 1903, il avait également lancé le bi-mensuel Il Domani (Alexandrie).

En août 1909, Vasai fut parmi les promoteurs de la Convention nationale du Caire où les anarchistes en Égypte se donnèrent une certaine homogénéité d’intervention et une revue bimensuelle L’Idea (Le Caire). La revue fut dirigée par Vasai qui la poursuivit avec le périodique Libera Tribuna(Le Caire, 1913) et L’Unione (Le Caire, 1913-1914). Cette expérience journalistique, vivement combattue par les autorités consulaires puis interrompue par le déclenchement de la guerre mondiale, fut le dernier engagement de Vasai dont la santé était alors compromise.

En juillet 1916, il parvint à retourner dans sa Florence, sous surveillance constante ; il tenta en vain de se faire soigner au sanatorium Ardenza de Livourne. Vasai chevalier errant de l’anarchie, « malade d’altruisme et de tuberculose » (E. Pea), est décédé à Florence le 11 décembre 1916.


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