Dictionnaire international des militants anarchistes
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Y’en a pas un sur cent… et pourtant des milliers d’hommes et de femmes de par le monde, souvent persécutés, embastillés, goulagisés et parfois au prix de leurs vies, ont poursuivi leur chevauchée anonyme à la recherche d’un impossible rêve : un monde sans dieux ni maîtres.

PAJAUD (épouse SANDRE), Julie, Louise “Séraphine”

Née en 1858 en Charente-Maritime — CGT — Ile de Ré & La Rochelle (Charente-Maritime) —
Article mis en ligne le 10 novembre 2008
dernière modification le 8 août 2024

par R.D.
Seraphine Pajaud et le groupe Germinal de Saint-Junien (1903)

Julie Séraphine Pajaud (orthographié aussi Pajot) signalée dans un rapport de police du 25 juin 1898 comme étant mariée à un certain Maeie-Georges Sandré (né à Romorentin) dont elle avait un fils, fut une active propagandiste anarchiste, anticléricale et antimilitariste qui parcouru toute les régions de France.

En avril 1897, lors d’une conférence au Mans aux côtés de Broussouloux, elle avait développé ses conceptions anarchistes et dénoncé la guerre à Madagascar.

En mars 1898, avec son compagnon et leur enfant âgé de 5 ans, elle fit une série de conférences dans l’Aube (Troyes, Evry, Croutes, Saint-Florentin, Tonnerre…). Selon la police, le couple voyageait à pieds « avec une cage en osier renfermant deux colombes”).

En 1899 elle fit une série de conférences à Limoges (Haute-Vienne) puis dans le futur bastion anarchiste de Saint-Junien, à Roanne (novembre). Le 17 février 1900 une conférence à Moulins (Allier) où elle avait abordé les thèmes suivants : “La vérité au peuple — Dieu n’est pas — Voies et moyens pour arriver à l’émancipation intégrale — Les positions anarchistes vis à vis du capitalisme, du nationalisme et de l’antisémitisme” (cf. L’Indépendant de l’Allier). Puis elle gagna le nord de la France où elle fit une série de conférences notamment sur le contrôle des naissances et la place de la femme dans la société. Au printemps 1900 elle sillonnait la Saône-et-Loire où elle fit notamment des conférences au Creusot, à Mâcon et le 29 mars à Epinac-les-Mines où, devant 200 personnes environ, elle avait fait un appel pressant aux jeunes gens pour qu’ils forment un groupe d’études sociales et à « anéantir la société actuelle et fonder la Commune libre ». En février-mars 1901, elle fit une nouvelle tournée dans l’ouest (le Mans, Brest, Morlaix, Rennes) puis en mai en Normandie (Le Havre, Dieppe, Caudebec, Rouen…) et de nouveau dans le Nord (Lens, Hénin-Liétard) lors de conférences anticléricales où elle distribuait la brochure de Johann Most La Peste religieuse.

Le 13 mai 1901, lors de son passage au Tréport, elle avait été blessée avec le groupe d’une dizaine de personnes venues la chercher à la gare par un groupe de locaux qui leur avaient lancé des pierres. Réfugiée dans une imprimerie devant laquelle s’était rassemblé pro et anti Séraphine Pajaud, cette dernière renonça à tenir sa conférence.

Le 24 décembre 1901 elle avait comparu devant le juge d’instruction du Mans, pour avoir, deux mois et demi avant, conseillé les mères d’apprendre à leurs enfants à lever la crosse en l’air s’ils étaient appelés comme soldats, lors d’une conférence à Calais. Elle était à cette époque la secrétaire du Comité des femme socialistes internationalistes du Mans.

Le 1er mars 1902, à la suite d’une conférence sur « l’inexistence de Dieu », elle fut condamnée par défaut par le tribunal correctionnel de Boulogne-sur-Mer, à 6 mois de prison et 100f d’amende pour « excitation au meurtre, pillage et incendie ». Elle alla par la suite à Londres d’où en 1903 elle correspondait avec Louise Michel. Le 14 février 1903, aux cotés de cette dernière et de Tarrida del Marmol, elle avait été l’une des oratrices du grand meeting tenu au Liberty Hall en faveur de l’amnistie des 8 survivants du procès de “La Mano Negra” (1883).

En 1904 elle participait à une nouvelle tournée de conférences notamment dans les Deux-Sèvres en Dordogne et en Haute-Vienne où elle revenait notamment à Saint-Junien ; elle était alors domiciliée à l’île de Ré en tant que veuve Sandré. Si l’on en croit sa correspondance avec Louise Michel, elle n’avait pas toujours bon accueil : “…à Montignac j’ai eu une réception magnifique, les femmes m’ont reçue à bras ouverts aux cris de à mort, à l’eau, la Séraphine, la femme à barbe, la Louise Michel !… Avant hier à Saint-Léon (Dordogne toujours) les femmes avaient des broches à rôtir ! pour m’embrocher comme gigot et autres volailles ! ».

Elle fut ensuite la conférencière d’une série de réunions antimilitaristes tenues dans l’Allier en octobre 1905 — notamment à Montluçon, Commentry, Domérat et Désertines — organisées par les groupes libertaires et aux quelles participèrent activement Marius Marchand, Bonnat, Bonnefont et Antoine Duchereux.

Lors de la conférence tenue à Montluçon, le commissaire central de la ville signalait la présence d’une cinquantaine de personnes, dont 15 femmes et une trentaine de socialistes du groupe de Constants ; au cours de la conférence, dont Duchereux avait été désigné président par acclamation, et dont les thèmes portaient sur « la guerre est un crime, la désertion une inconséquence, le gouvernement révolutionnaire une stupidité » Séraphine Pajaud avait également évoqué « L’arrestation de Louis Grandidier et ouvert une souscription pour assurer sa défense » (cf. Rapport du 20 octobre 1905). Le 21 octobre, à Commentry, lors de la réunion à laquelle assistèrent une cinquantaine de participants dont sept femmes (le prix d’entrée était de 20 centimes pour les hommes et gratuit pour les femmes), armée et caserne avaient été qualifiés « d’écoles du vice » et de « défense des coffres forts des bourgeois », les capitaines avaient été traités de « bandits et assassins », la conférencière avait incité à la désertion et « aussi à la propagande antimilitariste dans les casernes » et avait demandé « La suppression des armées, patries, gouvernements même révolutionnaires » La réunion s’était terminée par la chanson libertaire Supprimons les patries (cf. rapport du commissaire spécial de Commentry, 22 octobre 1905). Le lendemain elle donnait une conférence à Domérat à laquelle participèrent, outre des compagnons de Montluçon, une dizaine d’adhérents du groupe local et le lendemain 23 octobre elle récidivait à Désertines ce qui lui valut d’être le 25 octobre l’objet d’un rapport du sous préfet de Montluçon au préfet de l’Allier lui demandant d’ouvrir contre elle des poursuites pour « Les propos odieux tenus lors de ses conférences antimilitaristes ».

Après l’adoption en décembre 1905 de la loi de séparation de l’église et de l’état, elle poursuivit une tournée dans le Périgord (Montignac sur Vezère, Saint-Leon sur Vézère, etc).

L’année suivante, elle fut arrêtée à Alès (Gard) en février sous la double inculpation « d’apologie de crime et insultes à l’armée » pour la conférence tenue à Montluçon. Après deux jours à la prison d’Alès elle fut conduite « entre deux gendarmes, comme une criminelle » à Montluçon où elle fut remise en liberté après que l’affaire ait été reportée au mois d’août. Le 9 mai 1905, au lendemain d’une conférence faite dans le Var sur l’inexistence de Dieu elle fut une nouvelle fois arrêtée provoquant une lettre de protestation adressée au préfet : “…A six heures et demi du matin, une brute, brigadier de gendarmerie, pénétra dans la chambre que j’occupais à l’hôtel, m’obligeât à faire ma toilette devant lui, fut d’une brutalité incroyable, et comme je refusais de le suivre (n’ayant commis aucun délit motivant cette stupide arrestation), il me prit violemment le bras devant plusieurs personnes… Enfin après m’avoir gardé de 7 heures à 4 heures de l’après-midi dans son bureau, il m’enferma et à 9 heures du soir, il me jeta à la rue en pleine campagne ». (cf. Lettre de S. Pajaud, 15 mai 1905).

Au printemps 1906 elle était toujours poursuivie pour l’affaire de Montluçon et avoir déclaré : « J’ai un fils et ne lui ai pas conseillé la désertion ; mais si ses chefs l’emmènent dans une grève et lui commandent de tirer sur les ouvriers, je lui ai bien dit : tu ne tireras pas sur les grévistes. Tire sur ce que tu veux, sur les pommes de terre, sur les “légumes”, comme tu voudras » (cf. Le Libertaire, 31 mars 1906).

Martial Desmoulins, qui la prénomme bizarrement « Amélie » et l’avait rencontré au début des années 1930 chez un vieux compagnon d’origine juive, ami d’Alexandre Jacob, qui l’avait recueillie chez lui à Nice, l’évoquait en ces termes : “…Ce fut une des propagandistes les plus fameuses de l’anticléricalisme après la Commune et jusqu’en 1914. Elle faisait ses conférences de ville en ville, souvent n’ayant pas d’argent pour aller à l’hôtel et prendre le train, couchant dans des granges et sur le trimard. J’ai connu des camarades de Périgueux et de Bordeaux qui avaient organisé des conférences avec la camarade Pajaud, ils en faisaient des éloges. Moi, jeune anarchiste, lorsque je la rencontrai, je ne la trouvai pas extraordinaire, brave femme que le copain gardait parce qu’il la connaissait depuis très longtemps. Donc Amélie Pajaud faisait chez le copain un peu la femme de ménage. Sébastien Faure descendait chez ce copain avant de descendre chez Honorée Teyssier [Eléonore Tessier], qui fut à partir de 1936 la compagne de Louzon. Je me souviens que tous les deux racontaient leurs souvenirs. A. Pajaud avait parcouru toute la France sauf deux départements. Elle avait assisté avec émerveillement à la naissance de la CGT, à son organisation, et croyait que la révolution était une question de jours et de mois. En 1934, il me semble qu’elle se retira en Charentes Maritimes dont elle était originaire ». En effet, en 1934 André Lorulot l’avait rencontrée à la Rochelle.

Le 14 août 1937, elle écrivit une ettre dans La Voix libertaire qui prenait la défense de Jean Grave et surtout de Sébastien Faure « parce que c’est lui qui, par ses livres, ses conférences, en un mot par ses écrits et sa parole, c’est lui qui m’a fait anarchiste »


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