Après avoir suivi une formation de jardinier et en 1906 son service militaire dans l’armée prussienne, Kurt Wilkens avait travaillé comme mineur en Silésie puis était parti aux États-Unis en 1910. Devenu ouvrier dans une conserverie de poissons, il adhéra aux idéaux libertaires notamment à la lecture de Tolstoi et connut ses premiers conflits qui lui valurent d’être licencié après qu’il ait convaincu ses compagnons de travail d’échanger les conserves de mauvaise qualité destinées aux quartiers ouvriers avec celles de meilleures qualités destinées aux quartiers riches. Il travailla ensuite comme mineur de charbon, milita aux IWW et participa à plusieurs grèves. En 1916, après avoir pris la parole lors lors de la grève des mineurs en Arizona, il fut interné avec plus de 1500 autres mineurs dans un camp à Columbus (Nouveau Mexique) dont il parvint à s’échapper. Repris et, en tant que sujet allemand, il fut alors condamné "pour haute trahison" et interné au camp de prisonniers allemands de Fort Douglas. Le 4 décembre 1917, il s’évadait une nouvelle fois et gagnait d’abord le district de Washington où il travailla aux récoltes, puis en 1919 le Colorado pour y travailler aux mines. Arrêté par la police il était expulsé en Allemagne en mars 1920.
En septembre suivant il émigrait en Argentine où il allait devenir à Buenos Aires le correspondant des journaux anarchistes allemands Alarm (Hambourg) et Der Syndikalist (Berlin) l’organe de la FAUD anarchosyndicaliste. Il travailla d’abord dans les fermes fruitières de la province du Rio Negro puis comme docker à Bahia Blanca. Il vécut en Argentine sous les noms de Christensen et de Larson. En 1921 il était retourné à Buenos Aires dans l’intention de retourner aux États-Unis. Il fréquentait alors le local anarchiste de la rue Estados Unidos ce qui lui valut d’être surveillé par la police et d’être emprisonné 4 mois.
Suite à la terrible répression ayant suivi la révolte en 1921 des ouvriers agricoles de Patagonie – plusieurs milliers de morts -, Wilkens, qui était végétarien et plutôt de tendance pacifiste et tolstoienne, décida de venger les ouvriers assassinés. Le 27 janvier 1923, il lançait une bombe – qui lui aurait été donnée par le compagnon Andres Vazquez Paredes - et achevait de plusieurs coups de revolver le lieutenant colonel Hector B. Varela, l’un ds principaux responsables de la répression en Patagonie. Blessé grièvement en protégeant une petite fille qui passait au moment de l’attentat, il parvint à s’enfuir et à se cacher avant d’être finalement capturé quelques jours plus tard.
Le 15 juin 1923, Kurt Wilkens, qui ne puvait plus se déplacer qu’avec des béquilles, fut assassiné en prison par le gardien E. Perez Millan Temperey, un parent de Varela et un membre du groupe d’extrême droite Ligue Patriotique argentine. Ce dernier, qui avait été interné dans un asile psychiatrique situé rue Vieytes, y fut assassiné à son tour en novembre 1925 par un autre interné, Esteban Lucich qui aurait agi à la demande du militant anarchiste Boris Wladimirovich qui, condamné à la réclusion à perpétuité avait été transféré du pénitencier d’Ushuaia à l’asile après avoir simulé la folie.
Kurt Wilckens, dont les autorités avaient séquestré le cadavre, fut enterré dans un endroit inconnu.