Dictionnaire international des militants anarchistes
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Y’en a pas un sur cent… et pourtant des milliers d’hommes et de femmes de par le monde, souvent persécutés, embastillés, goulagisés et parfois au prix de leurs vies, ont poursuivi leur chevauchée anonyme à la recherche d’un impossible rêve : un monde sans dieux ni maîtres.

YVETOT, Georges, Louis, François

Né à Paris le 20 juillet 1868 — mort à Paris le 11 mai 1942 — Typographe — AIA — CGT — Paris
Article mis en ligne le 29 avril 2017
dernière modification le 8 août 2024

par Guillaume Davranche, R.D.
Georges Yvetot (portrait par J. A. Alexandrovitch)

Georges Yvetot naquit à la caserne des Minimes à Paris où son père, d’origine normande, était gendarme. Orphelin de mère, puis de père, il fut élevé par les frères de la Doctrine chrétienne et par l’Œuvre des orphelins-apprentis d’Auteuil. C’est là qu’il apprit le métier de typographe de 1880 à 1887. À la veille de sa mort, il affirmait sa vénération pour l’abbé Roussel, le directeur de cette œuvre.

Réformé pour tuberculose pulmonaire, il ne fut pas soldat et, de 1887 à 1894, il travailla comme typographe à La Patrie. Il n’avait, à cette époque, aucune activité politique et, plus tard, reconnaîtra avoir « sarrasiné », c’est-à-dire travaillé pour un salaire inférieur à la normale.

Représentant une coopérative de consommation au comité de la Verrerie ouvrière, il fit son apprentissage de militant. Il devint anarchiste sous l’influence de Fernand Pelloutier qu’il suivit fidèlement et qu’il aida comme typo dans la composition de L’Ouvrier des deux mondes.

À la mort de Pelloutier — il travaillait alors au Petit Soir — Yvetot lui succéda au secrétariat de la Fédération des bourses du travail, avec l’appui des allemanistes et des broussistes. Paul Delesalle fut nommé secrétaire adjoint. Yvetot devait être réélu à cette fonction, sous des appellations qui peuvent varier légèrement, par tous les congrès syndicaux jusqu’en 1914. À l’époque, il tint la rubrique « Mouvement ouvrier » du Libertaire et donna des articles au Mouvement socialiste d’Hubert Lagardelle.

Yvetot, comme Pelloutier, se montra réticent quant à l’entrée de la Fédération des Bourses dans la CGT réclamée par Niel au congrès de Nice, en septembre 1901. Cependant, après le congrès d’unité à Montpellier, en septembre 1902, il devint secrétaire de la section des bourses de la CGT, ce qui en fit en titre, le second dans la hiérarchie syndicale.

Au sein de la CGT, la « spécialité » d’Yvetot fut l’antimilitarisme et l’antipatriotisme. Début septembre 1903, il avait été condamné à Nantes à 1 mois de prison et 100 francs d’amende pour “outrages à l’armée”. Le Nouveau manuel du soldat, décidé lors du congrès de la Fédération des bourses à Alger, en septembre 1902, lui valut d’être poursuivi devant les assises le 30 décembre 1903. Il y reçu notamment le soutien écrit de Laurent Tailhade (cf. Le Libertaire, 13 février 1904). À la barre, Yvetot déclara qu’il n’en avait pas rédigé une ligne, et n’avait fait que le signer en tant que secrétaire, tandis que 41 autres militants en revendiquaient la paternité. Embarrassé, le tribunal acquitta Yvetot, mais il semble bien qu’il ait été un des principaux rédacteurs de cet opuscule qui, blanchi par la Justice, devait connaître un succès phénoménal : près de 20 rééditions jusqu’en 1914, dépassant les 200 000 exemplaires.

Nouveau manuel du soldat

Par la suite, les exhortations écrites ou orales d’Yvetot à la désobéissance militaire lui attirèrent de nombreuses poursuites — parfois suivies de non-lieu — qui en firent le dirigeant cégétiste de loin le plus condamné. Il considérait d’ailleurs le box des accusés comme une excellente tribune politique et la prison comme un temps de pause bienvenu dans la lutte. Dès septembre 1903, il fut condamné à Nantes à un mois de prison et 100 francs d’amende. Il fut de nouveau condamné à Rouen en février 1904 à deux ans de prison, puis à trois mois et 100 francs d’amende en juillet 1904, à deux mois et 50 francs d’amende en novembre 1904.

Le 1er septembre 1903, lors d’une réunion à Tours sur l’action syndicale, il avait engagé les ouvriers à atteindre les patrons au porte-monnaie, ajoutant « Détruisez les machines à l’usine. Brisez le matériel du patron et vous l’amènerez à la composition ».

En décembre 1902, il avait fondé, avec entre autres Dubois-Desaulle, Henri Beylie et Albert Libertad, la Ligue antimilitariste. Après le congrès d’Amsterdam de juin 1904, elle devint une section de l’Association internationale antimilitariste (AIA). Yvetot en fut alors l’un des secrétaires, le second étant Almereyda.

En février 1904, il fut condamné à deux mois de prison pour avoir déclaré, lors d’une réunion tenue à Darnetal, que « Le régiment est l’école du vice, de la débauche et de l’oisiveté » et avoir incité les jeunes gens à la désertion. Le 27 juillet 1904, il était à nouveau condamné à 3 mois de prison et 100 francs d’amende pour des propos antimilitaristes tenus en avril précédent lors de réunions à Sotteville et Darnetal.

Fin juin 1904, avec Delale, Janvion, Almereyda et Gonon, il avait été l’un de délégués français au congrès antimilitariste international d’Amsterdam convoqué à l’initiative de Ferdinand Domela Nieuwenhuis et à l’issue duquel avait été fondée l’Association internationale antimilitariste (AIA).
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Il collaborait à cette époque au Libertaire où il tenait notamment la rubrique Causerie ouvrière.

En juin 1905 il était incarcéré au régime de droit commun pour purger une peine de 2 mois de prison prononcée par le tribunal de Rouen pour l’un de ses discours lors d’une réunion.

En octobre 1905, Yvetot cosigna la fameuse affiche rouge « Aux conscrits » de l’AIA (voir Roger Sadrin) et fut une des vedettes du procès-spectacle qui s’ensuivit en décembre. Les audiences furent suivies par toute la presse. Dès la première audience il avait déclaré : « Le patriotisme c’est de la fumisterie. Il n’a pas de sens pour les prolétaires. Qui dit patrie dit patrimoine. Les ouvriers n’ayant ps de patrimoine, n’ont pas de patrie. L’antipatriotisme et l’antimilitarisme ne font qu’un avec le syndicalisme » (cf. Le Libertaire, 6 janvier 1906à. Avec 28 prévenus, 15 avocats et 66 témoins (dont Jaurès et de nombreuses autres personnalités), l’AIA avait atteint le but qu’elle s’assignait : populariser l’antimilitarisme et l’antipatriotisme. À l’audience, Jaurès vint témoigner à décharge, tout en prenant ses distances avec une affiche dont, dit-il, il n’approuvait pas « tous les termes ». Yvetot, jugeant Jaurès trop tiède, l’apostropha et essaya de lui faire reconnaître qu’il serait légitime d’abattre un officier qui donnerait l’ordre de tirer sur la foule. Jaurès refusa de suivre Yvetot sur ce point. Condamné à 3 ans de prison et 100 francs d’amende, il sera amnistié en juillet 1907. A l’annonce du verdict il avait déclaré : « Je détiens le record des condamnations pour antimilitarisme […] Je vous promets bien de recommencer. Soyez persuadés que je tiendrais ma promesse ».

Au congrès CGT d’Amiens (1906), Yvetot soutint l’adoption de la motion Griffuelhes — future « Charte d’Amiens ». Il y fit surtout voter une motion radicale qui dépassait le traditionnel « antimilitarisme corporatif » au profit de l’« antimilitarisme antipatriote », et donnait un coup de griffe au passage à la SFIO. La motion Yvetot se concluait par ces phrase : « Dans chaque grève, l’armée est pour le patronat ; dans chaque conflit européen, dans chaque guerre entre nations ou coloniales, la classe ouvrière est dupe et sacrifiée au profit de la classe patronale, parasitaire et bourgeoise. C’est pourquoi le XVe congrès approuve et préconise toute action de propagande antimilitariste et antipatriotique qui peut seule compromettre la situation des arrivés et arrivistes de toutes classes et de toutes écoles politiques. » Le texte fut voté par 484 voix pour, 300 contre, 49 blancs et 39 nuls, une partie des syndicalistes révolutionnaires l’ayant désapprouvé par souci de préserver un certain consensus dans la CGT.

Arrêté le 15 avril 1907 lors de la grève des dockers du Havre et préventivement avant le 1er mai 1907 ainsi que Charles Marck puis d’autres dirigeants, il fut condamné à 4 ans de prison 15 juin, et libéré en avril 1908. Avec plusieurs responsables de la CGT, il fut de nouveau arrêté et poursuivi le 1er août 1908 après le massacre de Villeneuve-Saint-Georges, mais bénéficia d’un non-lieu, ainsi que les autres, le 30 octobre 1908. Dans ces périodes, l’intérim à la section des bourses fut assuré par Delesalle de juin 1907 à avril 1908, et par Garnery du 1er août au 31 octobre 1908.

À l’impulsivité de ses idées Yvetot ajoutait la vivacité de son caractère. En 1908, dans Les Hommes du jour, Victor Méric, écrivit de lui qu’il avait la physionomie d’un « bouledogue ». Le surnom lui resta, et Yvetot lui-même l’utilisa volontiers pour signer ses articles. Il était comme Griffuelhes, très autoritaire, et il fut fréquemment en conflit personnel avec lui. En février-mars 1909, il en vint aux mains avec Louis Niel, qu’il détestait, et qui était devenu secrétaire général de la CGT. En février-mars 1909, il l’avait violemment attaqué dans le quotidien La Révolution d’Émile Pouget.

Au cours des années 1909-1910, il fit de nombreux meetings et conférences, notamment du Comité de Défense sociale (CDS), appelant chaque fois au sabotage et à l’antimilitarisme.

Yvetot fut ainsi jusqu’en 1914, un des « champions » des anarchistes au sein de la CGT, n’hésitant pas à se réclamer ouvertement de l’anarchisme, quand d’autres responsables confédéraux préféraient se contenter de l’étiquette syndicaliste révolutionnaire. Au congrès de Toulouse (1910), le réformiste Liochon l’attaqua sur ce thème : « Yvetot est celui qui, avec le plus de franchise, le plus de conviction, affirme que l’organisation syndicale, si elle veut être véritablement syndicaliste, selon lui, doit être anarchiste » (p. 185 du compte-rendu). À quoi Yvetot répondit : « Ce n’est pas de ma faute […] si le syndicalisme aboutit aux mêmes fins que l’anarchisme. » (p. 226). À la même époque, il se battit contre l’arbitrage obligatoire, pour la liberté de la grève, et contre la loi sur les retraites ouvrières.

Cet anarchisme ostentatoire n’empêchait pas Yvetot de se montrer attaché à la « neutralité » et aux fondements corporatifs du syndicalisme français. Dans La Voix du peuple du 19 juin 1910, il donna tort à Louis Bertoni, qui avait reproché à la CGT des dérives réformistes et corporatistes. Il lui rétorqua amicalement qu’il ne comprenait rien au syndicalisme français et qu’il voulait faire du syndicat moins un groupement d’intérêts qu’un groupement d’opinions.

Personnalité plus que turbulente, Yvetot sut également assumer pleinement ses responsabilités confédérales. Il présenta le rapport moral de la Fédération ou de la section des bourses aux congrès de Nice (septembre 1901), Alger (septembre 1902), Bourges (septembre 1904), Amiens (octobre 1906), Toulouse (octobre 1910) et Le Havre (septembre 1912). Aux deux derniers congrès, il présenta en outre le rapport sur La Voix du Peuple. Au moment du congrès de Marseille (octobre 1908), il était emprisonné. Il représenta également la CGT à l’international plus d’une fois. Dès 1903 il fut délégué avec Griffuelhes à la conférence syndicale internationale de Dublin, où ils ne purent faire admettre les thèses du syndicalisme français. En août 1909, il représenta la CGT avec Jouhaux à la conférence internationale de Paris, et y polémiqua durement avec Legien, défendant la supériorité de l’action économique sur l’action politique et proposant sans succès, avec Jouhaux, l’organisation de congrès internationaux périodiques. En 1911, il fut encore délégué à la conférence internationale à Budapest. De 1909 à 1912, il fut rédacteur en chef de La Voix du Peuple, organe hebdomadaire de la CGT. En avril 1911, il fut un des fondateurs de La Bataille syndicaliste.

Dans La Révolution du 3 février 1909, Georges Yvetot signa un article, « Chacun chez soi », qui devait faire date. Stigmatisant les renégats Clemenceau, Briand ou Viviani, il invitait désormais les intellectuels de gauche, s’ils le voulaient, à soutenir le syndicalisme de l’extérieur, mais à renoncer à le diriger de l’intérieur. « Nous ne sommes pas des enfants, ayant besoin qu’on les conduise ! » écrivait-il. Par « intellectuels », il entendait « Les savants, les écrivains, les orateurs, les artistes, les professeurs, les ingénieurs, les médecins, les avocats, les journalistes ». Cette charge fut mal reçue dans les milieux intellectuels socialistes, mais applaudie par Georges Sorel. L’affaire devait rebondir début 1912. Yvetot, ayant à se défendre contre des accusations de « phobie des intellectuels », fit alors republier l’article dans La Bataille syndicaliste en l’assortissant de commentaires, et le fit éditer en brochure. S’il professait la méfiance envers les professionnels de la plume, du barreau ou de la chaire, Yvetot n’avait cependant aucune animosité envers les travailleurs intellectuels, dès lors qu’ils appartenaient au salariat. À Nantes, en mars 1907, où il se trouvait pour soutenir la grève des dockers, il alla porter le salut de la CGT au congrès de la Fédération des instituteurs. Par la suite, il fut le principal artisan de l’adhésion à la CGT des instituteurs et plus généralement des fonctionnaires.

Collaborateur de La Guerre sociale depuis sa fondation en 1907, Georges Yvetot se brouilla avec Gustave Hervé fin 1909, à l’occasion du débat sur les retraites ouvrières. Dans La Voix du peuple du 26 décembre, il fit savoir au « professeur Jean Jaurès » et au « professeur Gustave Hervé » que le syndicalisme pouvait « se passer de nourrices » et de « de pions », ce qui provoqua la colère d’Hervé qui lui répondit vertement dans La Guerre sociale du 29 décembre en le traitant de « ministre de la CGT ». Leur rupture devint irréversible quand, début 1911, Hervé renia l’antimilitarisme. Yvetot l’attaqua alors dans Le Libertaire puis dans un meeting le 17 février à Auxerre, où il le compara à Briand, Clemenceau, Viviani, Millerand et tant d’autres, et appela le prolétariat à se méfier des intellectuels arrivistes.

Les années 1911-1914 furent celles d’une intense activité contre la guerre et contre la loi des trois ans. Le 19 janvier 1911, lors d’un meeting au Havre en faveur de Jules Durand, il avait notamment déclaré : « Je ne donne pas le conseil de déserter, au contraire, il faut que les soldats aient des cartouches dans leur giberne pour que le dans une grève générale ils passent de l’autre coté de la barricade ». Le 16 juin, lors d’une réunion à Saint-Étienne, il avait appelé à n’avoir « aucune pitié pour les mouchards de la police qui se glissent dans vos rangs pour écouter vos paroles ».

Yvetot, qui était régulièrement un des invités vedettes aux tribunes des meetings anarchistes, prit la parole le 12 juillet 1911, après le coup d’Agadir, à un meeting de la Fédération révolutionnaire communiste (FRC). Il y rappela l’importance de l’antimilitarisme et du Sou du soldat, et dénonça le patriotisme sous-jacent dans le livre L’Armée nouvelle de Jean Jaurès.

En juin 1912, il appartint au comité de l’Entr’aide, qui rassemblait une quarantaine de « personnalités » communistes libertaires et syndicalistes révolutionnaires (voir Édouard Lacourte).

En octobre 1912, il appartint à la commission administrative élargie du Libertaire (voir Charles Keller).

Au congrès confédéral du Havre en septembre 1912, Yvetot contribua à la réorganisation de la section des Bourses sur la base d’un délégué par UD. Au congrès extraordinaire de décembre 1912 contre la guerre, il milita avec succès pour une grève générale préventive de 24 heures.

Suite aux « mutineries » dans les casernes du printemps 1913, il fut arrêté le 1er juillet 1913 avec 21 autres militants (voir Émile Hubert). Au début de 1914, Doumergue fit libérer les militants emprisonnés par son prédécesseur et ils furent jugés le 26 mars 1914. Yvetot fut condamné, par défaut, à un an de prison et à 100 francs d’amende. Sur opposition de sa part, la peine fut confirmée par un jugement en mai. Il fit appel, mais la guerre éclata et le procès en appel n’eut jamais lieu.

La lutte d’Yvetot contre la guerre ne cessa pas jusqu’en 1914, mais la guerre venue, il s’éclipsa subitement de la vie syndicale. Il semble alors avoir été découragé et en même temps consolé par l’idée que la CGT avait fait tout son possible. Sans doute opposé à l’union sacrée, il pratiqua la politique de la chaise vide au comité confédéral et retrouva un emploi de typographe. Très vite, il accepta la direction de l’Association nationale des orphelins de guerre à Étretat (Seine-Maritime) et se dévoua pour les enfants. En 1915, il alla au Monténégro et en Serbie évacuer et recueillir les orphelins yougoslaves au moment où les armées des Empires centraux occupaient le pays, puis travailla comme correcteur au Journal et à L’Information. Il tint également une rubrique syndicale dans le quotidien L’Éveil, de Jacques Dhur et André Salmon.

En fait, ce spécialiste de l’antipatriotisme ne prit aucune part au combat mené par la minorité pacifiste de la CGT. Dans une lettre à Monatte du 29 septembre 1914, Merrheim semblait contester son courage. Dans un rapport de novembre 1917, le Comité de défense syndicaliste de Péricat ne le disait ni majoritaire ni minoritaire mais « en sommeil ». Éliminé du comité confédéral en 1918, Yvetot pencha à ce moment vers les minoritaires de la CGT, mais pour peu de temps, et il donna ensuite sa collaboration, avec Marcel Laurent, au journal que Marcel Sembat venait de fonder. Au congrès d’Orléans, en septembre 1920, Rivelli (majoritaire) disait d’Yvetot qu’il était « enseveli sous le poids de sa lâcheté ».

Il fut radié du Carnet B de la Seine lors de la révision de 1922 au motif qu’il ne faisait « plus l’objet d’aucune remarque au point de vue national ».

En mai 1924, il appartint au Groupement de défense des révolutionnaires emprisonnés en Russie (voir Jacques Reclus).

Dans l’Entre-deux guerres, Yvetot demeura à la CGT mais n’y eut plus de responsabilités confédérales ni fédérales. Il collabora à l’époque à un très grand nombre de périodiques anarchistes en France et en Belgique : Le Combat (1926-1929), Plus loin en 1928, La Voix libertaire en 1931-1932, La Conquête du pain (1934-1935), La Patrie humaine, de Victor Méric (1931-1939), Le Raffut de Georges Cochon (1921-1922), La Revue anarchiste de Fortin (1929-1936), Le Semeur de Barbé (1923-1936). Il écrivit également une douzaine d’articles pour L’Encyclopédie anarchiste de Sébastien Faure.

Admis au syndicat des correcteurs le 1er mai 1918, il appartint au comité syndical entre 1920 et 1932 pendant 8 années au moins. De 1921 à 1925, il fut secrétaire général du syndicat et, avec Albin Villeval et Gustave Franssen, s’efforça d’empêcher la scission confédérale, et défendit l’orientation syndicaliste révolutionnaire des correcteurs.
Le 30 juin 1926, aux cotés de Huard et P. Besnard (Union fédérative des syndicats autonomes) et de Sébastien Faure (Union anarchiste), il fut l’un des orateurs du meeting tenu salle des sociétés savantes par l’AIT pour commémorer le cinquantenaire de la mort de Bakounine.

Il donna des souvenirs en 1935 au journal libertaire La Conquête du pain. À partir d’octobre 1936, il donna quelques articles à l’hebdomadaire syndical anticommuniste Syndicats.

En mai 1938, à Draveil, sous les auspices de la Ligue des droits de l’homme, il fit une conférence sur Pelloutier en compagnie de Froideval et de René de Marmande. Au début de 1939, avec Charles Marck et G. Guiraud, il fonda un groupement de vieux militants de la CGT dans un but d’entraide. On trouvait dans cette amicale Jules Bled, Julien Le Pen, Cleuet, Perrot, Lucien Charlier, René de Marmande, etc.

À la veille de la guerre, il cosigna le tract « Paix immédiate » (voir Louis Lecoin). Poursuivi, il ne fut pas incarcéré en raison de son état de santé. On ne le vit plus à la CGT après la déclaration de guerre. En 1940, il subit une grave opération, perdit son emploi et connut la gêne, presque la misère.

Les éléments « collaborateurs » du syndicalisme firent appel à lui en 1942 pour présider le Comité ouvrier de secours immédiats (COSI) fondé à la suite des bombardements anglais sur la banlieue industrielle. Ce comité n’eut aucune activité du vivant d’Yvetot qui accorda une interview le 28 avril à Raoul Courtois dans Le Cri du peuple. Il égrenait quelques souvenirs et persistait à s’affirmer libertaire.
Il mourut subitement quelques jours plus tard, le 11 mai 1942. Il était mal remis de l’opération subie deux ans plus tôt. René Mesnard lui succéda à la présidence du Cosi.

Georges Yvetot fut incinéré le 15 mai au Père-Lachaise (case 2 266) devant 200 personnes, syndicalistes et représentants du gouvernement de l’époque. Charles Dhooghe prononça un discours au nom des vieux militants de la CGT. Jules Teulade, représentant le Cosi, exalta la vie d’Yvetot, et Von Gissenberg (ou Giesenberg), de l’ambassade d’Allemagne, « vint associer les autorités d’occupation à la douleur du mouvement ouvrier français » (La France socialiste 16-17 mai 1942). Charles Dhooghe présida encore en mai 1943 une cérémonie pour l’anniversaire de la mort d’Yvetot.

ŒUVRE : Vers la grève générale, Comité de propagande de la grève générale, Bourse du travail de Paris, [1901 ?] — Nouveau manuel du soldat : la patrie, l’armée, la guerre, Paris, Fédération des bourses du travail de France et des colonies, 1903 — La Vache à lait (lettre à un saint-cyrien), préface d’Urbain Gohier, éd. de l’AIA, Paris, 1905 — La Production par l’association libre (paru en feuilleton dans Le Libertaire, 1906) — A.B.C. syndicaliste, L’Émancipatrice, Paris, 1908 — Le Syndicalisme et la transformation sociale. Controverse : pour ou contre le syndicalisme ? (avec André Lorulot), Librairie internationaliste, Arcueil-Cachan, 1909 — Syndicat et syndicalisme : opinions (avec Griffuelhes, Pouget, Delesalle), Paris, La Publication sociale, s.d. [1910] — Le Syndicalisme. Les intellectuels et la CGT, La Publication sociale, coll. Bibliothèque d’études syndicalistes, Paris, s.d. (1912) — Ma pensée libre [« Conférence écrite à la prison de la Santé et lue à l’Université populaire par Séverine le 3 novembre 1913 »], Paris, éd. de l’Université populaire, n° 2 — Le Syndicalisme révolutionnaire. La triple action de la CGT, éd. du Réveil, s.d. [1914].


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