Antoine Martinez né à Oran et de nationalité française travaillait sur le port quand éclata le soulèvement franquiste de juillet 1936. Il partit aussitôt comme volontaire pour combattre dans une colonne de la CNT-FAI sur le front de l’Ebre. Lors des évènements de mai 1937, il se trouvait à Barcelone et fut arrêté par les staliniens et emprisonné 6 mois dans des prisons plus ou moins clandestines. Suite à l’intervention du Consul de France à Barcelone, Antoine Martinez était libéré laissant derrière lui de nombreux autres compagnons toujours emprisonnés. Cette tragédie devait le conduire à éprouver une grande amertume et un fort sentiment anti-communiste vis-à-vis des tenants du marxisme-léninisme.
Antoine Martinez s’était réfugié en Algérie sans doute à la fin de la guerre civile. Domicilié 3 rue Champ de Mars à Oran et membre de la Solidarité internationale antifasciste (SIA), il y fit partie au début des années 1940 d’un réseau de résistance qui fit passer au Maroc plusieurs antifascistes italiens (républicains, socialistes et anarchistes) recherchés par les commissions d’armistice italienne et allemande dont le militant socialiste Léo Valiani qui témoigna à ce propos : « Je soussigné Léo Valiani, né à Fiume…, sénateur de la République italienne, j’affirme sur mon honneur qu’au début de 1941, monsieur Antoine Martinez… qui demeurait alors à Oran (Algérie), étant antifasciste depuis toujours et réfugié politique en Algérie depuis la fin de la guerre d’Espagne, conduisit, avec d’autres antifascistes français ou réfugiés, jusqu’à la frontière entre l’Algérie et le Maroc, et la fit passer, sans se soucier des risques qu’il courait, un groupe d’antifascistes italiens recherchés par la Commission d’armistice instituée par le gouvernement fasciste de Rome en France. J’étais de ce groupe d’émigrés avec monsieur Alberto Cianca, secrétaire de la Ligue italienne des droits de l’homme en France… Nous nous étions échappés en Algérie pour éviter la demande d’extradition présentée, à notre charge, par le gouvernement fasciste italien. Grâce au dévouement et l’esprit de sacrifice du résistant Antoine Martinez et de ses camarades, nous avons pu nous soutraire à la déportation en Italie fasciste et nous rendre au Maroc d’où nous avons pu prendre un bateau pour l’Amérique. Cela me rendit possible de rentrer en Otalie en septembre 1943 avec les armées alliées et de participer à la résistance italienne dans les rangs de laquelle je devins membre du Comité central de libération nationale de l’Italie du nord » (Milan, 14 mai 1982). De cette expédition vers le Maroc puis de l’embarquement à Casablanca à destination de Mexico le 19 novembre 1941 sur le Serpapinto firent également partie les compagnons libertaires Pio Turroni et Giuseppe Petacchi.
En 1944 Antoine Martinez diffusait à Oran le bulletin franco-espagnol Libre Examen (Oran, au moins 6 numéros de décembre 1944 à mai 1945) publié par le groupe du même nom et animé entre autres par Fernand Matteo, Juan Ferri Juan de Oran et José Giner.
En 1947 Antoine Martinez était membre du groupe anarchiste d’Oran adhérent à la Fédération anarchiste (FA).
Rapatrié en France, en 1962 à la fin de la guerre d’Algérie, il s’installait à la Seyne-sur-Mer où il allait travailler comme ouvrier métallurgiste à l’usine La Provençale. Adhérent du Centre International de Recherches sur l’Anarchisme (CIRA) de Marseille, il fut en 1976 l’un des fondateurs du Groupe région toulonnaise de la Fédération anarchiste et participa à cette époque à l’organisation du congrès tenu par la FA à Toulon-La Valette. Membre du Cercle Jean Rostand de la Libre Pensée toulonnaise, où il combattit la main-mise des trotskistes lambertistes, il tenait chaque samedi les permanences du groupe libertaire domicilié dans les mêmes locaux, l’ancienne caserne Lamer, rue de Montebello. Il anima également le Cercle libertaire Seynois, qui se réunissait au centre culturel de la rue Jacques-Laurent à La Seyne et n’hésita pas à fréquenter le Cercle des travailleurs où se réunissaient les socialistes seynois.
A l’automne 1978 il fut avec Gérard Blain, Bruno Nappi et Vincent Tortora entre autres, de l’aventure de Radio Trottoir, l’une des toutes premières radios libres anarchistes, qui émettait clandestinement à partir du mont Faron. En 1979 et 1980 il fut l’un des artisans des rencontres libertaires sur le domaine des Francas à Ollioules qui réunirent plus de 700 personnes.
Un de ses enfants, Ulysse, est l’auteur d’un mémoire d’histoire sur “L’anarchisme dans les Alpes-Maritimes au début du siècle”.
C’est alors qu’il projetait d’organiser un groupe de la FA à La Seyne en 1994 que, victime d’une attaque, il devait cesser tout militantisme. Antoine Martinez est décédé en juin 1999. Ses archives confiées au le groupe Nada de Toulon, furent données en 2002 au CIRA Marseille afin d’y constituer un Fonds Antoine Martinez.
Selon le témoignage d’un membre du groupe (cf. Le Poulpe, bulletin de liaison du groupe Libertad), rencontrer Antoine Martinez connu dans le mouvement varois sous le surnom de Titine fut déterminant pour de nombreux jeunes : “…ce fut mon cas en avril 1979, alors que j’étais âgé de 16 ans. Il m’avait ouvert une armoire remplie d’ouvrages… et de me dire avec son accent espagnol rocailleux “C’est bien de se dire anarchiste, mais encore faut-il savoir ce que l’in défend, connaître les idées. Alors lis !”. Et de me souvenir qu’il avait glissé entre mes mains les “Propos subversifs” de Sébastien faure, le grand penseur libertaire qu’il avait eu l’occasion de rencontrer en 1936 sur les ramblas à Barcelone ».