Dictionnaire international des militants anarchistes
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Y’en a pas un sur cent… et pourtant des milliers d’hommes et de femmes de par le monde, souvent persécutés, embastillés, goulagisés et parfois au prix de leurs vies, ont poursuivi leur chevauchée anonyme à la recherche d’un impossible rêve : un monde sans dieux ni maîtres.

ZEISLOFF, Aimé, Désiré

Né vers 1862 à Bischwiller (Alsace) — Ouvrier tisseur — Vienne (Isère) — Sedan (Ardennes)
Article mis en ligne le 15 juillet 2010
dernière modification le 7 août 2024

par Dominique Petit, R.D.

Aimé Zeisloff (orthographié aussi Zeitzeloff, Zeitloff, Zeisslof) avait appris à lire mais ne savait pas écrire.
Vers 1870, il apprit le métier de rattacheur, puis il fit son apprentissage de tisseur chez M. Gaillard, place du Cercle. Il travailla comme tisseur aux ateliers de MM. Iserable, Ladovière et Seguin. Lorsqu’il n’y avait pas de travail au tissage, il était employé comme teinturier chez M. Vittoz et comme foulonnier chez M. Bernard.

En 1882, il demeurait avec ses parents rue Pipet, en dehors de l’agglomération. Il était membre du groupe anarchiste Les Indignés de Vienne, animé par Pierre Martin.
Il figurait sur la liste de souscription pour l’achat d’un revolver d’honneur au citoyen Fournier et sur la liste des anarchistes de Vienne du début 1887 il était qualifié de « dangereux ».
En février ou mars 1889, il quitta ses parents pour s’installer seul.

Au mois d’avril 1890, il travaillait comme tisseur chez M. Ladavières, il avait alors un métier à tisser dans son logement, faubourg Saint-Marcel. Il avait alors pris pension chez M. Paret, épicier dans le même quartier. Quelques fois, il lui arrivait de préparer ses repas chez lui, ce qui lui permettait d’économiser sur sa pension.

En 1890, il vivait en pension chez sa sœur, lingère, rue Pipette.

À l’approche du 1er mai 1890, les anarchistes de Vienne menèrent une intense propagande pour donner à cette journée un caractère révolutionnaire. Leur campagne culmina avec la venue des militants parisiens Alexandre Tennevin et Louise Michel, qui le 29 avril prirent la parole devant 3 000 personnes dans la cour du théâtre. Les 30 avril et 1er mai, les deux Parisiens ayant quitté Vienne, de nouveaux meetings eurent lieu. Le maire ayant tenté d’intervenir dans celui du 1er mai, il fut expulsé de la salle et le commissaire de police fut blessé. Un cortège se forma, précédé des drapeaux rouge et noir. Les manifestants se proposaient de débaucher les ouvriers de trois usines qui n’avaient pas suivi le mot d’ordre de grève. La police et la gendarmerie intervinrent. Les manifestants rebroussèrent chemin et pillèrent les magasins de Brocard, le patron honni d’une filature. Puis la manifestation se dispersa. L’après-midi, la ville fut mise en état de siège et une soixantaine d’arrestations furent opérées. Les grèves durèrent quelques jours puis, le 6 mai, le travail reprit partout.
Le 8 août 1890, la cour d’assises de l’Isère jugea 21 inculpés, hommes et femmes, dont trois en fuite. La plupart des hommes étaient des militants anarchistes. Pierre Martin, Tennevin et Buisson furent les principaux inculpés, mais comparurent également Cellard, Huguet (16 ans), Piollat, Lombard, Garnier, Genet et Chatain. Les femmes (dont six jeunes filles) étaient ouvrières chez Brocard, où avait eu lieu le pillage. La presse ne donna pas leur nom. Trois anarchistes en fuite — Zeisloff, Bardin et Gros — furent jugés par contumace.

Zeisloff avait assisté aux réunions des 29, 30 avril et 1er mai 1890 à Vienne. Il était un des signataires de la déclaration préalable qui avait été faite en sous-préfecture. Ces réunions avaient pour but de préparer la manifestation du 1er mai.
Lors de la réunion du 1er mai, il vit le maire monter sur la scène et entendu qu’on lui criait « Il ne parlera pas » alors que d’autres disaient « Il parlera ». Finalement le maire ne put prendre la parole mais Zeisloff ne vit pas s’il avait été menacé ou expulsé. Alors qu’il était sur la scène, il vit le commissaire de police sortir de sa loge mais ne vit pas ce qu’on put lui faire sur la scène ou dans la cour du théâtre. Il nia avoir molesté le commissaire avec un coup de poing américain et ne suivit pas la manifestation qui partit ensuite du théâtre étant dans un café, place Saint-Louis.
Au moment où la manifestation passait rue de l’hôpital, il était contre le Bazar parisien et vit les gendarmes ayant le sabre au clair mais ne participa pas à la manifestation. Un témoin l’accusa d’être avec sa sœur qui le tenait par le bras, lui demandant de partir, il aurait répondu : « Non, il faut que cela finisse ». Un rapport du commissaire de police du 23 décembre 1890, confirma qu’il n’avait pas participé à la manifestation du 1er mai.

Le 2 mai 1890, pour ne pas faire de prison préventive, il s’enfuit en Italie, en Suisse puis à Bischwiller son pays d’origine. Il travailla comme tisseur en Italie pendant deux mois et demi, chez un fabricant drapier de Biela. En traversant la Suisse, il participa aux travaux agricoles et à Bischwiller, il coupa les foins et ramassa du houblon.

Vers le 15 septembre 1890, il rentra en France, il travailla à Sedan chez un parent M. Vautier et pour M. Laurent, boucher à Pont Maugis (Ardennes) qui le payait deux francs par jour, nourri et logé.
Il quitta Sedan vers le 12 ou 14 novembre et arrivé à Vienne, il apprit qu’il était poursuivi par la justice pour coups et blessures sur un commissaire de police dans l’exercice de ses fonctions et se constitua prisonnier. Il fut incarcéré à la maison d’arrêt de Grenoble.

Le 24 janvier 1891, Zeisloff demanda à ce que le compagnon Tennevin qui subissait une condamnation à deux ans de prison dans la même affaire, puisse assister son avocat, comme défenseur adjoint mais cette requête fut refusée.
Le 17 février 1891, la cour d’assises de l’Isère l’acquitta.

Devenu trimardeur, il racontait dans Le Père Peinard, en septembre 1891, ses mésaventures avec les syndicats possibilistes dans les Ardennes : « Je suis parti de Vienne, dans l’Isère depuis le 1er septembre, et je suis arrivé dans les Ardennes en trimardant. J’avais un sacré besoin de turbin, vu que j’avais le porte-braise aussi plat que le ventre.
Or, ayant travaillé jadis comme tisseur à Sedan, le centre du tissage, j’y rapplique pensant que je n’avais qu’à me mettre en quête de turbin, comme ça se fait partout ailleurs.
Va te faire foutre ! J’apprends en arrivant qu’il fallait m’adresser à la commission du travail de la Chambre syndicale possibilo. J’y radine dare-dare, me figurant parler à des révolutionnaires et des socialistes sincères.
Bernique, je comptais tout seul ! Je croyais être dans un confessionnal ; ils m’ont posé un tas de questions impossibles à te dégoiser ici.
En fin finale, ils ont refusé de me syndiquer ; par suite, je n’ai pu trouver d’ouvrage, et j’ai du me refiche en route…
Tant qu’à moi, heureusement, je suis arrivé à Nouzon ; j’ai eu la veine de tomber sur un bon copain qui a soupé des mic-macs possibilos, à tel point qu’il en a une indigestion, et il m’a fait avoir un peu de turbin.
Voilà, mon vieux Peinard, la liberté du travail dans les Ardennes avec les possibilards.
Ils font pire que les patrons !
 »


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