Dictionnaire international des militants anarchistes
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Y’en a pas un sur cent… et pourtant des milliers d’hommes et de femmes de par le monde, souvent persécutés, embastillés, goulagisés et parfois au prix de leurs vies, ont poursuivi leur chevauchée anonyme à la recherche d’un impossible rêve : un monde sans dieux ni maîtres.

STEIMER, Mollie “Marthe HALPERINE”

Née à Dunaevtsky (Russie) le 21 novembre 1897 — morte le 23 juillet 1980 — Photographe — New York — Petrograd — Berlin — Paris — Mexico
Article mis en ligne le 11 juin 2011
dernière modification le 5 août 2024

par R.D.
Mollie Steimer

Née dans une famille juive d’un village du sud-ouet de la Russie, Mollie Steimer avait émigré en 1912 aux États-Unis avec ses parents et ses cinq frères et sœurs. Dès l’âge de 15 ans elle commençait à travailler à New York dans une usine de confection et à militer dans le mouvement syndical. Lisant beaucoup elle découvrait les écrits de Bakounine, Kropotkine et Emma Goldman et se définissait rapidement comme anarchiste.

En 1917 elle adhérait au groupe anarchiste juif Frayhait et vivait avec des membres du groupe dans un appartement collectif à Harlem. Le groupe publiait alors clandestinement le journal en yiddish Der Shturm (La Tempête) puis le journal Frayhayt dont la devise était « Yene regirung iz di beste » (Le meilleur des gouvernements est celui qui ne gouverne pas). Le journal, imprimé à la main, fut interdit par les autorités fédérales pour son opposition à l’entrée en guerre des États-Unis et fut considéré comme pro-soviétique. Il était distribué de nuit dans les boites à lettres.

Suite à l’envoi de troupes en Russie au printemps 1918, le groupe imprima et diffusa un tract en yiddish appelant à la grève générale. Prenant prétexte de ce tract, et au nom de la loi Espionage Act, le 23 août 1918, la police investissait le local du groupe et arrêtait ses principaux membres : Jacob Schwartz — qui décéda peu après des suites des coups reçus par la police —, Jacob Abrams, Hyman Lachowsky, Samuel Lipman et Mollie Steimer. Lors du procès le 25 octobre 1918, Mollie Steimer fut condamnée à 15 ans d’emprisonnement et 500 dolars tandis que ses compagnons écoppaient d’une peine de vingt ans et d’une amende de 1000 dollars. Après avoir fait appel tous étaient remis en liberté sous caution. Mollie reprenait immédiatement ses activités ce qui lui valut d’être harcelée (arrêtée huit fois en onze mois). L’année suivante, elle rencontrait Emma Goldman de passage à New York après avoir été emprisonnée deux années au pénitencier de Jefferson (Missouri), ce fut le début d’une longue amitié qui durera toute sa vie.

Le 30 octobre 1919 elle fut arrêtée une nouvelle fois puis, après que la Cour d’appel ait confirmé sa condamnation et celles de ses camarades, internée en avril 1920 au pénitencier de Jefferson où elle allait rester 18 mois. C’est pendant cet emprisonnement que décéderont un de ses frères et son père. Le comité de libération obtenait sa libération et celle de ses compagnons à condition qu’ils quittent définitivement les USA. Le 24 novembre 1921, Mollie Steimer, Lachowsky, Lipman, Jacob Abrams et sa femme Marie embarquaient sur le paquebot Estonia à destination de Petrograd avec près de 250 autres militants radicaux déportés des USA (dont Emma Goldman et Alexandre Berkman).

Arrivée à Petrograd en décembre 1921, elle y faisait la connaissance de Senya Fleshin qui allait devenir son compagnon. Elle organisait avec lui une société d’aide aux anarchistes emprisonnés par le pouvoir soviétique et tous deux sillonnaient le pays pour aider les compagnons incarcérés. Le 1er novembre 1922 ils étaient arrêtés par la GPU sous l’accusation « d’aide à des élements criminels et d’avoir maintenu des rapports avec des anarchistes résidant à l’étranger » (notamment avec Goldman et Berkman). Condamnés à deux ans d’exil en Sibérie, ils étaient libérés après une grève de la faim et reprenaient l’aide aux anarchistes emprisonnés. Arrêtés une nouvelle à Petrograd fois le 9 juillet 1923 — avec une quarantaine d’autres militants anarchistes — et inculpés de « propagande anarchiste », il s étaient expulsés le 27 septembre vers l’Allemagne.

M. Steimer, Berlin, janvier 1932 (arch. G. Malouvier)

Ils gagnaient Berlin où les attendaient Goldman et Berkman et participaient immédiatement au Comité de défense des révolutionnaires emprisonnés en Russie (1923-1926) puis au Fonds d’aide de l’AIT (1926-1932) qui, autour de Voline, Marc Mratchny, Alexandre Shapiro et bien d’autres, maintiendra jusuq’en 1932 l’envoi de colis, d’argent, de lettres aux compagnons internés dans les camps et prisons soviétiques.

Puis le couple ira à Paris où en 1927, avec Jacques Doubinski, Voline et Berkmans ils organiseront un Comité d’entraide qui allait venir en aide à des compagnons de toutes nationalités manquant d’argent et de papiers. En 1929 Mollie et Senya regagnaient Berlin et ouvraient un studio de photographie. A l’arrivée de Hitler au pouvoir, il s quittaient Berlin et regagnaient Paris où ils continuaient leur militantisme.

Le 18 mai 1940 Mollie Steimer était internée dans un camp tandis que Senya parvenait à passer en zone libre avec l’aide de compagnons français. Ils parvenaient à se retrouver à Marseille en 1941 et à embarquer pour le Mexique. Installé à Mexico, Senya ouvrait le studio de photo Semo (pour Senya et Mollie). En contact avec le groupe Tierra y Libertad de Mexico, ils entretiendront une importante relation avec le mouvement anarchiste international, profitant du fait que Mollie parlait couramment le russe, le yiddish, l’anglais, le français et l’espagnol.

En 1963 le couple se retirait à Cuernavaca où Mollie décédait d’une crise cardiaque le 23 juillet 1980.

Mollie Steimer a été filmée en 1976 par la télévision hollandaise (documentaire sur Emma Goldman) et en 1980 par un collectif Newyorkais.

Oeuvre : — Je n’ai rien à perdre que mes chaines (Ed. Nada, 2023).


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