Michel Chavrier, qui demeurait 3, rue Grillet à Lyon (Rhône), était marié et père de famille, appartint à la fédération révolutionnaire de la région de l’Est (section de la Guillotière) qui, en mars 1881 — c’est-à-dire quelques semaines avant la tenue à Paris du congrès régional du Centre qui marqua la scission entre socialistes et anarchistes — groupait la plupart des anarchistes de la région de l’Est.
Chavrier fut arrêté, ainsi que de nombreux militants de la fédération révolutionnaire, à la suite des violentes manifestations des mineurs de Montceau-les-Mines d’août 1882 et des attentats à la bombe perpétrés à Lyon en octobre 1882. Impliqué dans le procès dit Procès des 66, il comparut devant le tribunal correctionnel de Lyon le 8 janvier 1882. Selon l’importance des charges retenues contre eux, l’accusation avait classé les prévenus en deux catégories (voir Bordat). Chavrier, prévenu de la 1re catégorie, fut condamné, le 19 janvier 1883, à six mois de prison, 50 f d’amende et cinq ans d’interdiction des droits civils, jugement confirmé le 13 mars 1883 par arrêt de la cour d’appel de Lyon.
À la suite de cette condamnation, il se consacra surtout à la lutte syndicale. Animateur de la chambre syndicale des Parqueteurs-replanisseurs, il fut délégué au congrès constitutif de la Fédération nationale des syndicats qui se tint à Lyon du 11 au 16 octobre 1886. Il y représentait, avec Blouin, sa chambre syndicale (cf. compte rendu, p. 320). Son rôle y fut considérable. Le 11 octobre, il présida la première séance publique et, le 16, la séance préparatoire de travail ; c’est lui qui présenta le rapport de la commission d’organisation du congrès « manifestation de l’éternelle histoire de la lutte des exploités contre les exploiteurs ». Le 15 octobre, le retard pris dans les débats l’empêcha de lire un long rapport sur le socialisme qui figure dans le compte rendu officiel du congrès. Ce texte — qui doit beaucoup à l’Histoire du socialisme de Benoît Malon — constitue un bel exemple des théories familières aux militants de l’époque. L’analyse de la formation du capital, du rôle du travail et de la nocivité de l’individualisme dans la société capitaliste, la défense du socialisme et des conceptions paternalistes de l’évolution humaine et sociale prennent appui sur une bibliographie relativement importante.
Les délégués l’élurent membre de la commission chargée d’exécuter les décisions du congrès et il en fut le secrétaire. À ce titre, il participa à la lutte contre les opportunistes « barberettistes » qui attaquaient avec vigueur la Fédération nationale des syndicats et il fut envoyé — pour représenter ses camarades lyonnais — au deuxième congrès de la Fédération tenu à Montluçon en octobre 1887.
À cette date il se serait éloigné des anarchistes avec lesquels il était en mauvais termes depuis son incarcération. Ses compagnons de détention l’avaient accusé — ainsi que sa femme — de pratiquer la délation (?) — voir Arch. Dép. Rhône, 4M 16, dossier Coindre. Il militait en 1887 dans les rangs d’un groupe d’Études sociales et scientifiques de tendances socialistes qui se réunissait, 149, avenue de Saxe. Toutefois au printemps 1887, il était en correspondance avec le compagnon Mounier qui s’était réfugié à Genève après avoir été soupçonné d’être mêlé aux attentats contre le Palais de justice de Lyon.
En septembre 1890, il donna encore une conférence sur la situation et les droits de l’enfant dans une société libre.
Le 20 juillet 1894, en butte aux tracasseries de la police stimulée par l’assassinat à Lyon du président Sadi Carnot, il écrivit au chef de la 4e division de la préfecture du Rhône pour affirmer qu’il n’avait jamais été anarchiste, qu’il avait abandonné depuis 1887 le syndicat de sa corporation, qu’il se comportait en « républicain sans épithète » soucieux de faire son devoir de bon citoyen en élisant « le candidat qui lui paraît le plus instruit sans se préoccuper de ses opinions politiques ou religieuses »… Sans doute faut-il tenir compte des conditions dans lesquelles Chavrier fut conduit à formuler de telles déclarations et ne pas les prendre au pied de la lettre.