Flageollet était, en 1909, trésorier adjoint de la Maison du Peuple de Lyon qu’il quitta en août pour venir travailler dans une imprimerie de Saint-Chamond (Loire). Il fréquenta alors l’important groupe libertaire de Saint-Chamond ainsi que la Bourse du Travail. En octobre 1909, il vint à Saint-Étienne où les anarchistes se regroupaient dans le « Foyer populaire ». Il travailla du 6 octobre 1909 au 4 mars 1910 à l’imprimerie Wolf, qu’il quitta à la suite d’une discussion avec son patron. Aux dires du commissaire central, il vécut un temps « des subsides de membres influents du parti réactionnaire » (?), 12 avril 1910.
En 1916, il fréquenta assidûment les réunions bimensuelles du groupe anarchiste qu’il avait reconstitué avec notamment Jean Seigne, puis les réunions hebdomadaires du groupe des Amis de CQFD (Ce qu’il faut dire) fondé par Philippe Goy pour soutenir le journal de Sébastien Faure et impulser la lutte pour la paix. Il travaillait alors à l’imprimerie Watton et était en contact avec le secrétaire de la Bourse du Travail, Grégoire, correspondant local du « Comité pour la reprise des relations internationales ».
Il devint à la fin de 1917, secrétaire de l’UD-CGT et la police s’attacha dès lors à suivre sa silhouette reconnaissable : « un mètre soixante-douze, moustache blonde et teint pâle, […] chapeau mou à larges bords et […] complet veston usagé ».
Le 13 janvier 1918, il se rendit à Paris pour rencontrer les dirigeants du CDS et préparer un mouvement en vue de la paix. Dès lors, il proclama qu’un tel mouvement était proche, donnant sa « recette » pour supprimer la guerre : faire la révolution comme les Russes, « massacrer la moitié (?) des millionnaires et s’emparer de leurs biens ». Peut-être fut-il responsable, puisqu’il suivit et appuya la grève des ouvriers du textile de Saint-Julien-Molin-Molette, en janvier 1918, des bruits qui coururent au cours d’une réunion du CDS, sur les ouvriers de Saint-Julien descendus dans la rue avec sac à grenades et fusils, bruits sans fondements mais répercutés par le ministère de l’Intérieur.
Le 29 janvier 1918, il prit l’initiative de constituer, lors d’une réunion de la commission exécutive de l’UD, un « comité secret » chargé de prendre les décisions importantes. Le mouvement pour la paix était en fait engagé, un mouvement que Flageollet considérait comme partie intégrante du combat révolutionnaire. Ainsi, le 3 février, il déclarait : « Le prolétariat n’a pas à lutter pour de vagues améliorations économiques mais pour son émancipation intégrale. Il doit exiger la paix ». L’exemple de la révolution russe devait revenir fréquemment dans ses propos. Volontiers imprudent, il se vit reprocher par ses camarades, et notamment par Andrieu, une conversation de café tenue à Roanne et au cours de laquelle il avait affirmé : « … pour faire la révolution, il faut s’emparer des principales autorités et notamment du préfet », conversation qui allait nourrir à propos la campagne engagée par les autorités autour de « l’affaire d’espionnage de Saint-Étienne », contraignant les organisations et les militants à des positions de repli. Pour les autorités, les choses étaient simples : l’agitation des syndicalistes stéphanois était le fait de directives allemandes transmises par l’intermédiaire du CDS : « Il semble donc, mais il est très difficile d’avoir des preuves matérielles dans ce domaine psychologique qui est par essence immatériel, que les directives allemandes ont été transmises au comité intercorporatif de Saint-Étienne, par l’intermédiaire de Guilbaud, Monatte et Flageollet », devait déclarer quelques mois plus tard, le commissaire spécial.
La réponse de Flageollet fut vigoureuse comme à son habitude : « Le boche, c’est le Figaro qui a de l’argent allemand dans sa caisse ; que Clemenceau s’en prenne aux maquereaux et laisse les militants syndicalistes tranquilles. Vive la paix ! À bas la guerre, et s’il le faut, la révolution ! » Néanmoins, il fallait faire face à la campagne qui battait son plein dans les journaux au début de mars 1918 avec la découverte de trois individus en relations avec l’Allemagne, et à laquelle le socialiste Renaudel avait donné corps en laissant entendre qu’une affiche et un tract défaitistes étaient répandus dans les milieux ouvriers de Roanne, Saint-Étienne et Lyon par des agents allemands. L’UD dénonça la « manœuvre » de Renaudel auquel Flageollet, dans une « lettre ouverte » reprocha le 5 mars d’avoir ainsi donné au gouvernement une occasion de représenter les militants ouvriers comme des fauteurs de grève et de désordre.
Néanmoins, l’alerte avait été chaude. Flageollet, comme l’ensemble des militants du département, fut contraint de modérer ses positions ou à tout le moins son langage, déclarant par exemple à Roanne le 7 mars 1918 : « Pour justifier l’envoi de troupes, on a dit que nous voulions faire la révolution, alors que nous voulions seulement la paix. »
Néanmoins, en cercle restreint, Flageollet continuait de professer des vues très avancées, et d’œuvrer pour le développement rapide d’un mouvement en faveur de la paix. Après avoir fait une tournée en février à Bourges, Montluçon, Lyon, Roanne et Paris, il consacra le mois de mars à nouer ou multiplier des contacts et à préparer un congrès de la minorité. Le 25 mars, la commission exécutive de l’UD concluait : « il faut que la Loire prenne l’initiative et intensifie son œuvre en faveur de la paix, puisque la CGT fait traîner en longueur. Nous convoquerons le congrès interdépartemental le 25 mars ». Déjà le 18 mars, le congrès de l’UD s’était prononcé pour la convocation d’un congrès confédéral extraordinaire, à charge pour le CDS de l’organiser si la direction de la CGT le refusait, ainsi que pour une grève de 24 ou de 48 heures en faveur de la paix. Le congrès interdépartemental confirma cette position et fixa le principe d’une manifestation pour le 1er Mai. Flageollet demanda par lettre à Péricat, le 26 mars de se mettre en rapport avec les centres minoritaires pour organiser le congrès minoritaire en cas de défection de la CGT. Le 5 avril, Flageollet proposait à Péricat de choisir Lyon pour organiser le congrès du fait de sa situation géographique et de la convergence ferroviaire. Celui-ci préférait Saint-Étienne « parce qu’il nous apparaissait qu’aucune ville, n’offrait pour nous, minoritaires, autant de garanties […] par le poids de votre force syndicale régionale », et fixait, au grand dam de Flageollet le congrès minoritaire à la date des 19 et 20 mai, considérant que la grève du 1er Mai ne devrait pas sortir du cadre des 24 heures pour ne pas nuire à l’action du congrès minoritaire.
Flageollet se consacra donc, avec une activité débordante et un sens assez remarquable de l’organisation, à la préparation du 1er Mai et du congrès minoritaire, multipliant les déclarations — pas toujours heureuses, c’était son point faible — et les réunions dans les différents secteurs corporatifs, et même auprès des militantes féminines des industries d’armement, « La femme étant une force indispensable pour tout mouvement populaire ».
En fait, Flageollet craignait que l’éloignement du congrès minoritaire (19 mai) ne décourage les ouvriers de faire grève le 1er Mai, puisqu’il faudrait recommencer et se promettait dans une lettre à Péricat du 22 avril, de faire retomber l’échec prévisible « sur tous ceux qui, par leur position, mettent une entrave quelconque à la paix ». Ces craintes n’étaient pas fondées et le 1er Mai fut assez réussi : ce jour-là, Flageollet qui avait promis au préfet qu’il n’y aurait pas de manifestation de rue, s’y opposa en tant que secrétaire de l’UD mais y participa en tant qu’homme. Quelques collisions se produisirent avec les policiers et les dragons mais les incidents furent limités en ampleur et en durée.
À Firminy, les événements avaient pris une autre tournure. À la suite de l’incident survenu aux usines Verdié (refus par le poste du soir d’effectuer la coulée) et de la répression qui s’ensuivit la grève éclata et devait progressivement gagner tout le bassin au moment même où se réunissait à Saint-Étienne le congrès minoritaire.
Flageollet envisagea alors « de faire de la propagande auprès des troupes et leur rappeler que les soldats d’un jour sont les civils du lendemain. Des effusions peuvent se produire avec les troupes, mais les sacrifices seront légers pour le but ».
Pendant la grève, il participa à toutes les réunions, prêchant le calme et la discipline, regrettant l’incident Blanchard (voir Andrieu — Représentant la Fédération des Métaux qui avait désavoué le mouvement, Blanchard avait été pris à partie par les grévistes).
Il fit l’objet d’un mandat d’amener en tant que « premier organisateur des grèves de la Loire pour arrêter la production de la défense nationale ». Il fut arrêté à Marseille où il faisait une tournée de propagande sur le mouvement de la Loire, déféré en conseil de guerre (1re catégorie) et emprisonné à Clermont.
Le Comité général de l’UD qui se réunit le 1er septembre 1918, vit Reynard critiquer la gestion et la comptabilité de Flageollet tant à l’UD qu’au journal Le Syndicaliste dont il était gérant et qui cessa de paraître après mai 1918.
De retour à Saint-Étienne en février 1919, Flageollet dut rapidement constater qu’il ne jouissait plus de l’audience d’autrefois : le 5 février 1919 il intervenait à la Bourse du Travail à la tête d’un groupe d’anarchistes, pour saboter une réunion donnée par un des secrétaires confédéraux de la CGT. Escaladant la tribune, il y déclara que « L’échec du mouvement de mai 1918 (était) dû aux lâches de la CGT » et envoya son « salut à Lénine, Trotsky, Liebknecht. Après les 14 points de Wilson, il y en a un 15e qui est la suppression du salariat… À bas le capitalisme ! Luttons jusqu’au bout pour sa destruction ».
La salle réagit mollement à ses propos et vota l’ordre du jour favorable à la CGT.
Dès lors, Flageollet se consacra presque exclusivement au « groupe d’études philosophiques et sociales », qu’il avait fondé et qui demanda son adhésion à la IIIe Internationale. Amer et déçu, il intervint peu dans les réunions syndicales sauf pour boycotter le meeting de Jouhaux et Merrheim en février 1920. Il s’opposa d’ailleurs bientôt au bolchevisme, « car le gouvernement bolchevique n’admet pas la théorie anarchiste, et la même chose se passerait en France s’il y avait le même gouvernement ». Il repoussait, disait-il « toute dictature, fut-elle celle du prolétariat ».
Il salua par contre le soviet de Turin et donna en exemple les ouvriers italiens « qui s’emparent des usines et des machines afin d’arriver à la suppression de l’organisation bourgeoise ».
Il s’opposa pour finir au comité syndicaliste révolutionnaire, facteur de division et critiqua Seigne qui était partisan de l’adhésion.
Un rapport de police signala ses obsèques à Saint-Étienne le 22 octobre 1921.