Dictionnaire international des militants anarchistes
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Y’en a pas un sur cent… et pourtant des milliers d’hommes et de femmes de par le monde, souvent persécutés, embastillés, goulagisés et parfois au prix de leurs vies, ont poursuivi leur chevauchée anonyme à la recherche d’un impossible rêve : un monde sans dieux ni maîtres.

JEAN, Théodore, Marius

Né à Marseille le 23 février 1863 — mort le 3 novembre 1949 — Employé municipal ; inspecteur à l’assistance publique — FAP — UA — Marseille (Bouches-du-Rhône)
Article mis en ligne le 11 janvier 2008
dernière modification le 8 août 2024

par R.D., René Bianco

Petit fils du communard Louis Marcellin Jean (déporté à Belle Ile), Théodore Jean avait fait ses études secondaires au lycée Thiers et avait manifesté très tôt un penchant très vif pour la poésie qu’il gardera sa vie durant. Très lié à Jean Lombard, l’organisateur du congrès ouvrier de Marseille en 1879, et avec Bellot, il collabora tout jeune aux diverses revues fondées par ses amis (Le Pilori, La Ligue du Midi, L’Echo du Midi, Le Midi Libre, La revue provinciale, etc.). En 1882 il faisait partie avec Proper Ferrero du groupe Les Jeunes qui s’occupait d’art et de socialisme et se mit à fréquenter les milieux anarchistes où il allait militer longtemps tout en conservant de nombreuses amitiés dans les rangs socialistes.

Le 15 avril 1893, après avoir lu le journal L’Anarchie publié en 1850 par A. Bellegarrigue, il écrivait à Jean Grave : « Sans doute, ça et là, quelques termes pour nous ont vieilli ; son idée, loin de s’élargir jusqu’à l’idéal que nous embrassons du regard, s’arrête, essouflée, et semble dire : je suis en 1850. Mais il a magnifiquement développé que tout gouvernement est monopole, vol et brigandage… ». Lors de la campagne menée par les anarchistes en faveur de Dreyfus, Théodore Jean, lors d’une conférence le 18 novembre 1899 critica « Les compagnons qui sont intervenus comme Dreyfusards et non comme anarchistes, se laissant engluer dans le domaine politique ». Ses conceptions libertaires, surtout proudhoniennes, ne l’empéchèrent pas d’être membre vers 1900 du groupe socialiste L’Aube révolutionnaire qui comptait alors une trentaine de membres. Il fut même le délégué du Comité départemental et du groupe L’Union Socialiste (quartier de Saint-Just) de la Fédération socialiste révolutionnaire (FSR) des Bouches-du-Rhône, au congrès tenu à Paris Salle Wagram. Membre du groupe anticlérical des quartiers Blancarde-Chartraux — en avril 1900, dans une réunion il avait déclaré « L’Église… accourt toujours comme une prostituée, se jeter dans les bras des égorgeurs du peuple » —, il avait été également initié le 6 mars 1895 à la loge maçonne La Réunion des amis choisis.

Employé à la Mairie, au bureau de l’instruction publique, il sera plus tard (vers 1900) chef du service Beaux-Arts. En janvier 1901 il organisait une réunion en faveur des ouvriers huiliers en grève. Révoqué pour ses idées au bout de 13 ans de services, il entreprit alors une nouvelle carrière dans les services de l’Assitance publique où il occupa un poste d’inspecteur à Lons-le-Saulnier (1904-1905), Lyon (1908-1912), Saint-Brieux (1913-1914), Tours (1915), Montpellier (1916-1919) et Paris (1920). Il revint ensuite à Marseille où en 1924 il prit sa retraite et s’installa aux Pennes-Mirabeau où son père avait été maire de 1900 à 1905. En 1933 il fonda le Comité d’intérêts du Plan des Pennes qu’il présida de longues années, et grâce auquel il fit construire la route maritime Marseille-Marignane-Vitrolles.

Au cours de ces mêmes années il présida le Comité de Défense Sociale et de Droit d’asile et préta son concours à la Fédération anarchiste provençale (FAP). Martial Desmoulins qui l’avait rencontré en 1927 à Marseille lors de la fondation du groupe des amis du journal Voix Libertaire le présentait ainsi : « …Je connaissais de réputation ce vieux camarade, je dis vieux car en 1927 il avait 70 ans. Sébastien Faure m’en avait parlé longuement comme un vieil ami à lui. Je savais qu’il avait été administrateur du Libertaure lorsque ce journal s’imprimait à Marseille… C’était un homme très grand, vigoureux. Il avait l’air d’un gentilhomme campagnard avec sa redingite, son col blanc, sa cravatte noire et son feutre… Théodore Jean n’éatit pas un prolètaire, c’était un intellectuel fils de grans bourgeois marseillaisn mais il n’avait pas la mentalité du milieu d’où il était sorti. Il était venu à nos idées par sentiment humanitaire, comme beaucoup de jeunes étudiants de la fin du 19e siècle… C’était un très bon orateur, peut être un peu trop enclin à prendre le ton dramatique des orateurs des réunions publiques… Il me souvient qu’un jour, devant une assemblée composée exclusivement de copains, il commença sa harangue… en criant très fort ‘Nous les bentres creux ‘ et à cette époque, Théodore Jean avait un bon petit bedon rondelet. Cette sortie nous fit bien rure, et lui aussi d’ailleurs. Comme il était à la retraite, il avait beaucoup de temps pour lui… Sans inconvénient, il pouvait se déplacer pour nous représenter où il était nécessaire que notre Fédération y soit… ». Il participait également avec Desmoulins à l’organisation de la Fédération et à son développement dans la région (Martigues, Salon, Cavaillon, etc.) et fut le président du congrès régional tenu en 1933. En 1937 il était membre du groupe de l’Union anarchiste avec notamment Bregliano, Boisson, Giacometti, Dumas et Riné.

Malgré les privations dues à la guerre — la dernière fois que Martial Desmoulins le vit, en 1944 lors d’une « réunion un peu prématurée de syndicalistes, il était très déprimé, avait beaucoup maigri… voudra présider la réunion mais s’évanouira », il sut rester jusuq’au dernier moment très actif et très batailleur, poursuivant inlassablement son activité militante (articles, poèmes, conférences, etc.). Théodore Jean est décédé à Marseille le 3 novembre 1949.

Outre sa collaboration à de nombreux journaux socialistes, Thèodore Jean avait colaboré également à un très grand nombre de titres de la presse libertaire francophone dont : L’Agitateur (Marseille, 1893), L’Anarchia (Marseille, 1890), Le Camarade (Paris, 1899), Le Combat Social (Limoges, 1907-1909), Le Combat syndicaliste (Lyon, Paris, Limoges 1926-1939), Le Communiste (Aiglemont, 1908), L’Etincelle (Bruxelles, 1892), Harmonie (Marseille, 1891-1893), Le Libertaire (St Jean Ten Noode, 1893-1894), Le Libertaire (Paris, 1895-1939), L’œuvre Sociale (Marseille, 1895), Supplément littéraire de La Révolte (1888-1894) puis des Temps nouveaux (1895-1914), Terre libre (Nîmes-Paris, 1937-1939), L’Unique (Orléans, 1945-1956), La Voix libertaire (Limoges, 1929-1939).

Œuvres : Auteur de très nombreux poèmes d’inspiration libertaire (Justice, Debout libertaire, Nul maître, Tout à tous, etc) parus dans la presse et rassemblés en receuils- : — Les Croix et les glaives, recueil de poèmes 1887-1896 (ed. en 1898) ; — Les renaissances, 1904-1910 (inédit) ; — Lucifer, 1911-1912 (inédit) ; — Les Chevauchées, 1913-1919 & 1920-1929 (2 vol. inédits) ; — Sonnets de guerre et paixn 1939-1945 (inédit). Il fut égelament le préfacier du livre de Jean Lombard « Adel, révolter future » (1889, 51 p.) et l’un des auteurs des notes accompagnant l’édition de la brochure de Proudhon « Sur la justice » (n°8 de La Brochure, Saint-Josse-Ten Noode, Belgique, 1894).


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