Georges Morel fut un des fondateurs de l’anarchisme dans la Somme, puis une figure du syndicalisme révolutionnaire. Sans doute membre du premier groupement anarchiste du département, intitulé Cercle de l’union des ouvriers, il était correspondant du Révolté de Genève dès 1881. En juillet 1881, il mandata Louis Bouisson pour représenter les anarchistes amiénois au congrès international de Londres (voir Gustave Brocher). Il habitait alors au 16 bis, rue des Briques à Amiens et était le secrétaire du groupe L’Avant Garde dont le trésorier était Paulet.
En mars 1888, avec entre autres Froidure, Paulet, Jovené et Honête, il fut l’un des organisateurs de la soirée familiale de commémoration de la Commune et résidait alors 10 rue dite d’Alsace Lorraine. En 1889, ouvrier cordonnier à la maison Lenormand, il était membre du groupe libertaire Les Éclaireurs de Picardie, l’un des trois groupes anarchistes locaux avec L’Ère nouvelle et Les parias Picards. Le 18 août, il tint un meeting antiboulangiste à Amiens.
Le 25 novembre 1893, il fut le conférencier d’une réunion anarchiste tenu à Reims, Salle Flamand, présidée par Leprêtre, Delpierre et Courtois, à laquelle assistèrent, selon la police, une centaine de personnes. Il avait notamment « flétri le monopole » et avait déclaré que « L’emploi de l’électricité comme force motrice dans un temps plus ou moins rapproché, serait une des causes certaines de la Révolution, les ouvriers mineurs, entre autres, seront jetés sur le pavé et n’auront plus qu’à choisir entre la révolte ou la mort par la faim dans leurs taudis ». Il résidait semble-t-il à cette époque à Beauvais.
Lors du meeting tenu à Amiens le 9 janvier 1897 pour protester contre la répression des anarchistes en Espagne et le procès de Montjuich (voir Tomas Ascheri), il avait été l’un des orateurs aux cotés de Tortelier et de G. Butaud.
En février 1898 il avait été arrêté à Amiens avec une dizaine de compagnons — dont Desprez, Pechin, Bordenave, Pasquet, Goullencort, Dumont, Segard, Lebrun, Warin, Carlier — après avoir déclenché une bagarre lors d’une conférence organisée par les catholiques, ce qui lui valu d’être poursuivi et condamné à 20 jours de prison avec Segard (fils), Lebrun et Carlier.
Début 1900 il demeurait 144 route de Rouen et était membre du groupe d’Ameins avec notamment Lemaire, Alexandre et Decourcelles.
En 1903-1905, il collabora, avec Griffuelhes, Pouget, Yvetot, Delesalle et d’autres, à L’Action directe, une petite revue qui joua un rôle dans la constitution de l’idéologie syndicaliste révolutionnaire. Pendant l’hiver 1905-1906, il soutint la grève aux usines Debeaurain à Béthencourt-sur-Mer (voir Victor Decayeux) puis, quelques mois plus tard, la grève aux usines Riquier de Fressenneville (Somme). Les 500 grévistes réclamaient la réintégration de deux ouvriers renvoyés, dont Désiré Depoilly. En colère, les ouvriers pillèrent les ateliers et mirent le feu au château du patron.
Morel ne figura pas parmi les 19 inculpées de cette « jacquerie ». Avait-il appelé au calme ? Les anarchistes de la jeune génération, animant Germinal, commencèrent à l’époque à lui reprocher son modérantisme (article de Jules Lemaire dans le numéro 3 décembre 1906). Il est d’ailleurs significatif que la signature de Georges Morel soit absente de Germinal.
À partir de 1907, Georges Morel fut secrétaire adjoint — appointé — de la bourse du travail d’Amiens, dont le secrétaire était le réformiste Cleuet. À cette époque il collabora au Cubilot, journal de la colonie communiste d’Aiglemont (voir Fortiné Henry).
Il collabora par la suite au quotidien La Révolution (Paris, 1909) fondé par Émile Pouget.
En 1909, le livre Ces messieurs de la CGT disait de lui : « Morel, c’est le meneur complet, susceptible de satisfaire à la fois à tous les besoins d’organisation, d’écrits, de paroles et autres, d’une section révolutionnaire locale. »
Le 10 avril 1910, il était présent à Bertincourt (Pas-de-Calais), pour encourager la grève des ouvriers du canal du Nord. En 1911, il était toujours secrétaire adjoint de la bourse du travail d’Amiens et secrétaire du syndicat des cuirs et peaux. Selon la police, il était membre du groupe anarchiste d’Amiens, affilié à la Fédération révolutionnaire de la Somme (voir Théodore Graux). Il habitait alors au 28, rue du Grand-Vidame, à Amiens.
En 1912, il devint le trésorier de l’union départementale CGT, et devait le rester jusqu’en 1921.
En mai 1913, comme plusieurs autres compagnons d’Amiens, il avait été l’objet d’une perquisition où la police avait saisi un exemplaire du Nouveau manuel du soldat, un exemplaire de la revue Le Mouvement anarchiste, et des rapports divers.
Du 23 au 25 décembre 1917, il prit part à la conférence nationale de la CGT, tenue à Clermont-Ferrand.
Après la scission syndicale, il décida de rester à la CGT et fut élu membre de la nouvelle UD créée à Amiens le 22 janvier 1922. Traumatisée par la division syndicale, il intervint vigoureusement lors du XIe congrès de la Fédération des Cuirs et peaux en septembre 1922 pour réaffirmer la nécessité de la réunification sur la base de la Charte d’Amiens. Suite à une réunion tenue à Amiens le 15 août 1923 entre unitaires et confédérés, il fut l’un des signataires au nom des confédérés d’une motion commune envisageant un processus de réunification au niveau local et départemental. Après cette date il disparaît du paysage syndical du département.