Ernest Lassalas se maria le 11 août 1883 à Paris (XIe arr.) avec Sophie Dret.
Depuis la mi-1891, il occupait, au numéro 38 rue de la Compans, un petit logement de deux pièces, situé au troisième étage d’une « dépendance » isolée, tout au fond d’un long jardin. Il était marié et père de cinq enfants, — un garçon de trois ans et quatre fillettes dont l’aînée avait neuf ans et demi en 1894.
En 1893, revenant de Londres, Ernest Lassalas avait participé à l’été à la campagne abstentionniste lors des élections législatives. Le 2 septembre pendant un des mmetings tenus rue Ramponneau pour cette campagne, la police signalait qu’avec les frères Wagner, Barthélémy et Guillemard, il était allé coller de nombreux manifestes du Père Peinard et Manifeste des dynamiteurs dans les XIX et XXe arrondissements.
l figurait sur une liste d’anarchistes du 18 décembre 1893, avec cette note : « Grand ami de Francis, a fait avec lui un récent voyage à Londres. Anarchiste militant. » Cela lui valut d’être sur une liste d’anarchistes résidant à l’étranger.
On le trouvait également sur l’état récapitulatif des anarchistes au 26 décembre 1893.
Lassallas exerçait le métier de menuisier. Il avait travaillé chez différents patrons, mais toujours très régulièrement. Depuis la mi-décembre 1893, il était sans ouvrage. Sa femme, malgré ses nombreuses occupations, travaillait à la maison pour une fabrique de brosserie.
Fiché comme anarchiste en 1894, Ernest Lassalas demeurait 38 rue Compans. Il avait été arrêté le 1er janvier 1894 avec une quinzaine d’autres — dont Pausader, Wagner, Segard (père et fils) et Lothier — lors des rafles suivant l’attentat d’Auguste Vaillant à la Chambre des députés. Lors de son arrestation Mme Lassalas, interrogée par la presse, fit le récit de l’arrestation de son mari : « Je ne sais pas pourquoi ils ont arrêté Ernest, nous dit-elle tristement. Que peut-on lui reprocher ? Il doit y avoir erreur. D’ailleurs, j’ai l’espoir qu’ils me le ramèneront demain. Ils me l’ont promis. Et répondant à nos questions : Jamais mon mari ne s’est occupé de politique il a toujours travaillé avec énergie et rentrait très régulièrement à la maison. Le samedi soir seulement, il allait « faire sa partie » au cabaret du coin. C’était sa seule distraction. Le commissaire de police a paru étonné de trouver ici un ou deux numéros de la Révolte, et du Père Peinard. Ernest aime beaucoup lire et il lui est arrivé d’acheter ces journaux-là, mais il leur préférait le supplément du Petit Parisien. » Lassalas avoua qu’il était en relation avec le comité anarchiste de Londres et était inculpé d’association de malfaiteurs. Son arrestation plongea sa famille dans la misère, comme le raconta La Gazette : « Lassalas laisse malheureusement une femme et cinq enfants, dont l’aîné n’a pas neuf ans, que son arrestation a plongés dans la plus profonde misère. Avant-hier, toute la famille qui n’avait pas mangé depuis vingt-quatre heures se présentait chez M. Amat, commissaire de police du quartier et la femme Lassalas lui faisait part de sa détresse. Le commissaire de police n’ayant aucun fonds disponible pour secourir les indigents les renvoya à la mairie. Là, la femme Lassalas assura que non seulement, au bureau de l’Assistance on ne lui a rien donné, mais qu’elle a été brutalement mise à la porte. En attendant que l’Assistance dite publique veuille bien “assister”, la commissaire s’est adressé à son chef hiérarchique, le préfet de police, qui a empêché toute la petite famille de mourir de faim en envoyant un premier secours. »
Il fut relâché le 13 janvier 1894.
Il fut de nouveau arrêté le 4 mars suivant. Lors de cette dernière arrestation, le bijoutier Eugène Margaret qui était présent, avait injurié les agents et avait crié « Vive l’anarchie ! » avait également été appréhendé. Lassalas fut remis en liberté le 9 mars.
Il figurait sur l’état récapitulatif des anarchistes au 31 décembre 1894, avec la mention « dangereux ».
Le 29 avril 1895, l’indicateur Bornibus notait que Lassalas, Guillon et Paul Menier prenaient pension dans un restaurant, marchand de vins, rue Lepic, en face de la rue des Abbesses. De nombreux autres compagnons y prenaient leur repas.
Le 6 mai 1895, Bornibus précisait que Lassalas avait pour maîtresse une sage femme, Mme Navau (ou Navarre ?), demeurant 22 rue Custine, qui était « entretenue » par un vieux propriétaire du Mans. Il s’agissait de l’une des sœurs Navau (ou Navarre). L’autre sœur était la compagne de Guillon. Cette même année 1895 Mme Navau avait accouché le 30 juin d’un petit garçon déclaré en mairie sous les prénoms d’Emile Henry.
Le 16 mai 1895, selon Bornibus, Lassalas prétendait que les agents de police allaient jusque chez sa maîtresse, rue Coustou.
FLe 27 mai 1895, énervé par la surveillance dont il était l’objet, il avait frappé un agent en civil. Amené au commissariat il avait accusé l’agent de l’avoir insulté et frappé — faits confirmés par les compagnons Guillon et Pegon qui l’accompagnaient — tandis que le commissaire affirma qu’il ne s’agissait pas d’un agent mais d’un simple quidam. Il travaillait à cette époque dans l’atelier de Pégon.
Le 14 juillet 1895, Lassalas ne travaillait plus chez Pégon, rue Coustou. Guillon y était toujours. Guillon ne vivait plus avec Mme Navau, la sœur de la maîtresse de Lassalas. Il avait pour nouvelle compagne la belle sœur d’un concierge de la cité Véron.
Le 11 novembre 1895, Lassalas ne travaillait pas, il fréquentait toujours Mme Navau, rue Custine et cherchait « par tous les moyens possibles à vivre à ne rien faire » selon Bornibus. Sa maîtresse se prétendait très habile pour les avortements et affirmait qu’elle ne refuserait plus de les pratiquer pour se procurer des ressources.
Le 16 février 1896, Lassalas assistait avec sa compagne Mme Navau à une conférence de Barrucand à la salle Coquet, boulevard de Clichy, sur le pain gratuit. Il travaillait de nouveau chez Pégon.
Le 10 avril 1896, l’indicateur Coste notait que deux permanences étaient tenues durant la période électorale, une 10 rue Coustou où travaillait Lassalas et l’autre chez Constant Martin, 4 rue Joquelet. Les compagnons qui avaient quelques remarques à faire au sujet du manifeste que le groupe de Montmartre avait l’intention de publier, pouvaient s’adresser à une des permanences.
Sur l’état récapitulatif des anarchistes au 31 décembre 1896, il était toujours considéré comme « dangereux » et habitait 27 rue des Fêtes. Sur celui de 1901, il demeurait 12 rue des Lilas.
Son dossier à la Préfecture de police portait le n°304.299.
A la fin de sa vie, il demeurait 82 rue de la Villette. Il est décédé à Paris le 29 avril 1941.